"On poursuit à Mayotte les opérations de sécurisation, en particulier dans les quartiers dans lesquels on a les bandes de délinquants", a déclaré à la presse le préfet de ce département français de l'océan Indien, Thierry Suquet, après une nuit émaillée de "violences urbaines" à Doujani, sur la commune de Mamoudzou.
Les forces de l'ordre ont interpellé deux personnes et neuf policiers ont été blessés, selon le ministère de l'Intérieur.
Le préfet s'exprimait à Longoni, sur la commune de Koungou (nord), où quelques habitats informels ont été rasés dans la matinée par des tractopelles pour faire place au chantier d'un lycée professionnel, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Ce petit bidonville, objet d'un arrêté de démolition depuis décembre, a abrité une dizaine de familles mais était "vide" d'habitants permanents, selon Thierry Suquet.Des solutions d'hébergement ont été proposées ces derniers mois à celles qui y font des allers-retours, a-t-il assuré.
"Il y a pas de solution, rien du tout", a affirmé sur place Zarianti Bina, 32 ans."Ca fait un an qu'on est en procédure, on n'a eu aucune notification" alors que "ma mère habite sur ce terrain", a-t-elle ajouté.
Dans le cadre de l'opération baptisée Wuambushu ("reprise" en mahorais), le gouvernement prévoit de détruire des bidonvilles après en avoir délogé des étrangers en situation irrégulière.Les sans-papiers comoriens doivent être expulsés vers Anjouan, l'île comorienne la plus proche, à 70 km de Mayotte.
Interrogé sur les maigres résultats de l'initiative, marquée par le déploiement de 1.800 policiers et gendarmes depuis une dizaine de jours, le préfet a défendu "un coup d'accélérateur décisif" à des actions "de longue durée", qui "ont commencé avant et vont se poursuivre après" le départ des renforts.
- "Opération non concertée" -
L'opération est surveillée de près par les militants des droits humains.La Défenseure des droits, Claire Hédon, s'est dite mercredi "particulièrement attentive au respect inconditionnel" des droits fondamentaux à Mayotte, annonçant l'envoi de juristes.
Des associations ont lancé plusieurs recours devant la justice contre les opérations de "décasage", c'est-à-dire de destruction de cases en tôle.Le tribunal de Mamoudzou a suspendu en début de semaine l'évacuation d'un important bidonville à Koungou (nord-est), Talus 2.
Une requête en appel "est en cours de préparation", a indiqué jeudi à La Réunion Alain Rapady, avocat de la préfecture de Mayotte.
Le député LR de Mayotte Mansour Kamardine a dénoncé un "harcèlement judiciaire orchestré par des associations +droitdelhommistes+, main dans la main avec des magistrats partisans".
Les élus du 101e département français expriment un large soutien à "Wuambushu", au diapason d'une grande partie de la population.Des appels à des actions de blocage se multiplient au sein de collectifs citoyens qui espèrent un coup d'arrêt à l'insécurité minant le territoire.
Plusieurs centaines de Mahorais, dont une majorité de femmes, se sont ainsi rassemblés jeudi au stade de Chirongi (sud) pour appeler à intensifier "Wuambushu", selon les journalistes de l'AFP sur place.
"Laissons le gouvernement mener cette opération, il nous a écoutés", a déclaré Mariam Said Kalam, élue de Chirongi.
Sous une nuée d'accessoires tricolores et de drapeaux français brandis par les femmes, des banderoles clamaient: "Stop aux titres de séjour" et "merci aux forces de l'ordre, héros du quotidien".
"Nous sommes pacifistes, nous voulons juste récupérer nos biens", a déclaré Saïd Kambi Saïd, suppléant de la députée Estelle Youssoufa (Liot).S'adressant à l'Union des Comores, il a ajouté: "Vous n'avez pas pitié de votre peuple.Les droits de l'Homme commencent chez vous".
Après un bras de fer avec Paris, les autorités portuaires comoriennes ont annoncé jeudi que les bateaux en provenance de Mayotte étaient à nouveau autorisés à accoster, après une suspension de quelques jours.
Mais "ne débarqueront demain (vendredi) que des passagers (comoriens) qui seront pourvus de leur carte d'identité nationale", a déclaré Mohamed Salim Dahalani, directeur des autorités portuaires, lors d'une conférence de presse au port anjouanais de Mutsamudu.
Les Comores se sont engagées dans un accord signé en 2019 à "coopérer" avec Paris sur les questions d'immigration en échange d'une aide française au développement de l'archipel de 150 millions d'euros.
Mais "l'Union des Comores n'a pas à payer pour les conséquences d'une opération Wuambushu non concertée", a redit jeudi le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie, joint au téléphone par l'AFP.
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