Alieu Kosiah avait été jugé en juin 2021 par le Tribunal pénal fédéral, coupable de multiples atrocités commises durant la première des deux guerres civiles successives du Liberia qui ont fait 250.000 morts entre 1989 et 2003.
Il s'agissait de la première condamnation d'un Libérien, que ce soit dans ce pays d'Afrique de l'Ouest ou ailleurs, pour des crimes de guerre commis pendant le conflit.
Alieu Kosiah, 48 ans, qui s'était installé en Suisse en 1998 et y avait été arrêté en 2014, a fait appel, se disant innocent. "Il est confiant qu'il va être acquitté.Il a toujours contesté les faits", a affirmé son avocat à l'AFP, Dimitri Gianoli.
Mais l'accusation a élargi les poursuites à des crimes contre l'humanité lors du procès en appel qui s'est tenu en début d'année à Bellinzone (sud de la Suisse).
C'est la première fois que des crimes contre l'humanité sont jugés en Suisse, où l'inculpation de ce chef d'accusation n'a été rendue possible que par un changement de loi en 2011.
- Meurtres, viol -
Comme les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité désignent des atrocités (meurtre, torture, viol), mais commises de façon systématique ou à grande échelle, et non des événements isolés ou sporadiques.
En 2021, Alieu Kosiah avait été jugé coupable d'une série de crimes de guerre alors qu'il était commandant du groupe armé ULIMO (United Liberation Movement of Liberia for Democracy), faction de groupes armés hostiles au mouvement de Charles Taylor, le Front national patriotique du Liberia (NPFL).
Selon le jugement, il a ordonné ou participé aux meurtres de 17 civils et de deux soldats capturés et a été reconnu coupable de viol sur une civile, d'"exploitation d'un enfant soldat", d'avoir ordonné des pillages et infligé des "traitements cruels" à des civils et porté "atteinte à la dignité de la dépouille d'un civil".
Outre les 20 ans de prison, le tribunal avait ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de 15 ans.
En revanche, les crimes contre l'humanité peuvent eux être sanctionnés en Suisse par la prison à vie.
- "Pas des crimes isolés" -
"Nous espérons que la cour d'appel acceptera d'étendre la condamnation aux crimes contre l'humanité", a déclaré à l'AFP Raphael Jakob, avocat d'un des sept plaignants.
"Ce serait une reconnaissance importante du fait qu'il ne s'agit pas de crimes isolés, mais qu'ils font partie d'un schéma systématique", a-t-il déclaré, ajoutant que son client faisait partie "des dizaines de milliers de victimes qui ont souffert d'atrocités similaires".
"S'ils retiennent l'accusation de crimes contre l'humanité, ce serait tout à fait historique", a souligné pour sa part à l'AFP l'avocat Alain Werner, spécialiste des droits humains, qui dirige l'ONG Civitas Maxima et qui représente quatre des plaignants.
Mais il n'est pas certain que les juges acceptent de retenir les charges de crimes contre l'humanité pour des faits commis avant la modification de la loi suisse en 2011.
Au Liberia, seule une poignée de personnes ont été condamnées jusqu'à présent pour leur participation à la guerre civile et les efforts visant à créer dans le pays un tribunal chargé de juger les crimes de guerre sont au point mort.
En France, la cour d'assises de Paris a condamné en novembre l'ex-commandant rebelle libérien Kunti Kamara à la prison à vie pour actes de barbarie et complicité de crimes contre l'humanité pendant la première guerre civile libérienne.
En janvier, un autre ex-chef de guerre libérien présumé, Gibril Massaquoi, acquitté l'an dernier, a comparu devant une cour d'appel en Finlande, lui aussi accusé d'atrocités durant le conflit.
Parmi les principaux acteurs du conflit, l'ex-chef de guerre devenu président (1997-2003) Charles Taylor avait été condamné en 2012 par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, basé à La Haye, pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis dans ce pays voisin du Liberia, mais n'a pas été inquiété pour les atrocités dans son pays.
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