Si le calme règne dans la capitale Khartoum, au troisième jour d'une trêve qui expire mercredi matin, la ville d'El-Geneina, dans la région du Darfour, frontalière du Tchad, est le théâtre depuis plusieurs jours des plus violents combats.
Le conflit qui a éclaté le 15 avril entre l'armée, commandée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo, a fait plus de 2.000 morts dans le pays, selon un bilan de l'ONG Acled.
La département d'Etat américain a cité le 15 juin des estimations de groupes locaux, faisant état de 1.100 personnes tuées à El-Geneina, la capitale de l'Etat du Darfour-Ouest, où des corps sans vie sont visibles dans les rues alors que les magasins, souvent cibles de pillages, restent fermés.
Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux mardi, le général Daglo a dénoncé "un conflit tribal" à El-Geneina, affirmant avoir donné comme instruction à ses hommes "de ne pas intervenir" et accusant l'armée de "créer la sédition en distribuant des armes".
Quelques affaires sous le bras, soumis à des fouilles imposées par des hommes armés, les habitants fuient en longues colonnes vers le Tchad, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest, sous les tirs croisés des militaires, paramilitaires, combattants tribaux et civils armés.
Depuis vendredi, "15.000 Soudanais, dont près de 900 blessés" ont fui vers Adré, au Tchad, selon Médecins sans frontières (MSF)."Les violences se sont intensifiées, les gens vivent dans la peur constante d'être pris pour cibles", explique Konstantinos Psykakos, coordinateur de projet de MSF, de retour d'Adré.
Selon l'ONU, plus de 150.000 personnes ont trouvé refuge au Tchad.
- "Niveaux record" -
Au Darfour, "le conflit a désormais une dimension ethnique", ont averti l'ONU, l'Union africaine et l'Igad, le bloc de l'Afrique de l'Est, "avec des attaques ciblées basées sur l'identité".Pour l'ONU, les violences commises dans cette région de l'ouest du Soudan pourraient constituer des "crimes contre l'humanité".
A Khartoum, où les raids aériens et les bombardements d'artillerie ont cessé depuis dimanche, plusieurs millions d'habitants survivent sous une chaleur écrasante, sans électricité et souvent sans eau.
La guerre a fait au moins "deux millions" de déplacés à l'intérieur du Soudan, selon le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), alors que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a dénombré "550.000 personnes ayant fui vers les pays voisins".
Lundi, la communauté internationale, réunie à Genève, a promis 1,5 milliard de dollars d'aide, seulement la moitié des besoins avancés par les agences humanitaires.
25 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population du Soudan, dépendent de l'aide humanitaire pour survivre, selon l'ONU.
Lundi, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a jugé que ce pays d'Afrique de l'est sombrait à une vitesse "sans précédent" dans une spirale de mort et de destruction.
"Les besoins humanitaires ont atteint des niveaux record alors qu'aucun signe ne permet d'envisager une fin de conflit", a prévenu mardi Eddie Rowe, le directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) au Soudan.
Pour Alexander Kjaerum, du Danish Refugee Council (DRC), "le niveau de financement (pour l'aide humanitaire au) Soudan est honteux".Après autant de jours de guerre, "68% des fonds pour répondre à la crise ukrainienne étaient réunis", contre 16% au Soudan, dit-il.
- "Anarchie" -
Après une dizaine de trêves systématiquement violées, la dernière en date doit prendre fin mercredi à 06H00 locales (04H00 GMT).
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a dénoncé son "non-respect" lundi, quand des "tirs" ont empêché de "transférer (à l'armée) des soldats blessés" aux mains des paramilitaires.
Le CICR ne dit pas d'où venaient ces tirs.
Le général Daglo a accusé l'armée et dénoncé "des violations continues" du cessez-le-feu.En retour, l'armée a accusé les FSR d'avoir "rompu la trêve" et fait "15 morts et des dizaines de blessés civils" à Tawila, au Darfour.
Une source médicale sur place a confirmé à l'AFP ce bilan, rapportant une "attaque des FSR".
Pour Antonio Guterres, le Soudan "pourrait rapidement devenir un lieu d'anarchie, qui provoquera l'insécurité dans toute la région" si la communauté internationale lui tourne le dos.
L'arrivée de la saison des pluies fait de plus craindre des épidémies, souligne le CICR, rappelant que de nombreux habitants sont forcés de boire l'eau insalubre du Nil ou d'autres sources.
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