Dans une salle au décor futuriste d'un quartier huppé de Lagos, capitale économique, plusieurs milliers de visiteurs (4.500 selon les organisateurs) ont assisté samedi à un tournoi géant de jeux vidéo.
Chauffés à blanc par un speaker en feu, les jeunes spectateurs ont donné de la voix toute la journée devant les parties de Street Fighter (combat), FIFA (football) et Call of Duty (tir en vue subjective), entrecoupées de concerts de stars locales de l'Afrobeats (Victony, Crayon).
Un show "à la nigériane" à la hauteur de l'ambition affichée de la première économie d'Afrique: s'imposer malgré les obstacles comme un acteur incontournable de l'esport dans le monde bien sûr, mais d'abord sur son continent.
L'Afrique du Sud écrase aujourd'hui la scène africaine de l'esport, grâce de nombreux investissements, suivi par l'Egypte et le Maroc, puis dans une moindre mesure par le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Kenya.
Mais le Nigeria a de quoi faire pâlir ses voisins car ses atouts -tout comme ses défis- sont immenses.
Immenses surtout par la taille: il est le pays le plus peuplé d'Afrique avec plus de 215 millions d'habitants, réputés pour être des compétiteurs acharnés, et dont les trois quarts ont moins de 25 ans.
A Lagos, en plein vacarme du tournoi qu'il supervise, Kunmi Adenipebi explique qu'il est presque impossible de savoir exactement combien il y a de joueurs au Nigeria.
"Certains disent qu'il y en a 60 millions.Grâce à des sondages, on est sûr d'une chose: il y en a au moins trois millions", souligne casque sur la tête M. Adenipebi, chef des opérations chez Gamr, qui a organisé l'événement.
- Pieds d'argile -
Le vivier potentiel de joueurs est donc énorme: la pénétration de l'internet haut-débit atteint les 48%, dont la quasi-totalité sur smartphone, et elle ne cesse de progresser.
Ce n'est pourtant que le début puisque le Nigeria sera le deuxième pays le plus peuplé au monde à la fin du siècle avec près de 790 millions d'habitants, juste derrière l'Inde, selon les projections du Lancet.
Mais, entre la gigantesque pauvreté, les coupures d'électricité et le réseau de piètre qualité, le Nigeria reste un colosse aux pieds d'argile.
Il compte peu de joueurs professionnels même s'il y en a de plus en plus depuis le Covid, précise M. Adenipebi.
Au Nigeria, le chômage chez les jeunes atteint les 42,5%."L'esport est une belle opportunité pour la jeunesse et pour sortir les gens de la pauvreté.On veut que ça devienne un moyen de subsistance", insiste Chike Okonkwo, cofondateur de Gamic, qui promeut l'esport.
A quelques mètres de la salle principale, Akintoye Arogunmati, dit The_Arogs, participe au tournoi.Les yeux rivés sur l'écran, le jeune homme de 25 ans, l'un des tout meilleurs joueurs professionnels du pays sur FIFA, dit gagner en moyenne 300.000 nairas (420 euros) par mois, soit 10 fois le salaire minimum.
En novembre, il a participé à la Paris Games Week, "un rêve".
Mais avant d'en arriver là, "il y a tellement de défis à surmonter", rigole-t-il, manette en mains.
"Pour un Nigérian lambda, l'équipement et les générateurs pour avoir de l'électricité sont vraiment chers", souffle-t-il."Et le réseau..."
- Cauchemar -
Pour jouer en ligne, un "gamer" doit évidemment avoir une bonne connection internet mais aussi un faible "ping", cauchemar des Africains.
Le "ping" est le temps de réaction entre le moment où un joueur appuie sur une touche et celui où cette action a réellement lieu dans le jeu.
Les joueurs africains sont désavantagés en compétition en ligne car les serveurs de la quasi-totalité des jeux sont hebergés en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie, provoquant un ping trop élevé (plus de 100 ms).
"C'est tellement frustrant.Tu sais que ton adversaire est moins bon que toi mais comme tu as du retard, tu ne peux rien faire", enrage The_Arogs.
Dans la salle noyée par les néons violets et bleus, les joueurs s'affrontent sur des écrans géants, dernier cri.Dans le carré VIP, le whisky coule à flot.
Des moyens qui contrastent avec la réalité des joueurs pro, car même quand on est champion, la vie n'a "n'a rien de marrant" et les récompenses sont trop faibles, dénonce "K.I.D".
"Pour un tournoi comme ça, on peut te payer dans trois mois voire plus", souffle Kevin Durst, 37 ans, pionnier sur "Street Fighter"."La vérité c'est que sans mes sponsors, je ne pourrais pas manger."
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