Cette huitième journée d'action organisée par la coalition Azimio a été une des moins tendues du mouvement initié en mars, qui a parfois donné lieu à des pillages et violences ayant fait une vingtaine de morts, de source officielle.
Jeudi, des échauffourées sporadiques ont eu lieu dans le bidonville de Kibera, bastion du leader d'opposition Raila Odinga à Nairobi, où la police a répondu aux jets de pierres par des gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Aucun autre incident majeur n'a été signalé dans le pays.
Cette journée s'inscrivait dans le cadre d'un appel inédit à trois jours de mobilisation de mercredi à vendredi.
Dans la crainte de débordements, le Kenya avait tourné au ralenti mercredi.Des heurts entre police et manifestants ont eu lieu dans plusieurs villes, faisant six morts selon Amnesty international.
Mais l'activité et la circulation ont repris jeudi, sans revenir totalement à la normale, dans de nombreuses villes du pays.
Dans le centre d'affaires de Nairobi, "aujourd'hui, c'est presque normal, pas encore normal, mais on s'en approche", résumait jeudi matin Charles Muru, 51 ans, qui a rouvert son kiosque de vente de livres et journaux fermé la veille."Les manifestations doivent cesser" car elles paralysent le pays et "font mal", estime-t-il.
Les écoles, fermées mercredi dans les trois principales villes (Nairobi, Mombasa, Kisumu) sur ordre du gouvernement, ont rouvert.
- "Au bord du précipice" -
Elu en août 2022 en promettant de soutenir les plus défavorisés, le président William Ruto fait face à une contestation croissante.
Il est notamment accusé d'ajouter aux difficultés des Kényans, déjà aux prises avec une inflation continue (+8% sur un an en juin), avec une loi promulguée début juillet instaurant de nouvelles taxes.
"Les manifestations et la contestation ne sont pas une solution", a répété jeudi William Ruto, en remerciant "la police pour le travail qu'elle fait pour protéger les vies et les biens".
Amnesty a dénoncé dans un communiqué "l'utilisation d'une force excessive, inutile et illégale, y compris la force létale" par les forces de l'ordre.
Le chef de l'opposition à l'Assemblée, Opiyo Wandayi, s'est également indigné d'"un niveau de violence policière sans précédent".
Estimant que leur pays "est au bord du précipice", les quotidiens kényans ont publié jeudi un appel commun au dialogue.
Ruto et Odinga "doivent se demander s'ils veulent plus de sang sur leurs mains", écrivent-ils, en soulignant: "Les étincelles de l'incendie ont été allumées, et c'est à eux deux qu'incombe la grande responsabilité d'éteindre le feu avant qu'il ne devienne hors de contrôle."
- "Marre" -
Ces journées d'action à répétition pèsent lourd sur les finances des Kényans et l'économie du pays.
Selon une association d'organisations du secteur privé (Kepsa), chacune représente une perte de 3 milliards de shillings (environ 19 millions d'euros).
"Il faut que ça s'arrête car c'est très mauvais pour l'économie", estime Godfrey Mononyi, urbaniste de 45 ans, retourné au travail jeudi dans le centre de Nairobi.
En marge des heurts à Kibera, certains habitants armés de bâtons montaient la garde pour empêcher les pillages."Hier (mercredi), cinq magasins ont été pillés.Nous sommes ici pour éviter que ça n'arrive aujourd'hui.Nous en avons marre", explique l'un d'entre eux, Jacob Anyango.
Pour Edgar Githua, maître de conférences à l'université Strathmore de Nairobi, "appeler à trois jours de manifestations (en) une semaine est trop" pour des "Kényans qui vivent au jour le jour".
"Si ces manifestations continuent ainsi (...) avec beaucoup de violence et de pillages, elles perdront leur sens et même les dirigeants finiront par perdre leur crédibilité", prévient-il.
Raila Odinga avait annulé des manifestations prévues en avril et mai, après que William Ruto a accepté de dialoguer.Les discussions ont échoué, entraînant la reprise des actions depuis début juillet.
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