M. Douma, un des fondateurs du mouvement du 6-Avril qui a joué un rôle clé dans la "révolution" ayant renversé l'autocrate Hosni Moubarak, purgeait depuis 2013 une peine de 15 ans de prison pour violences lors de manifestations.
Plusieurs avocats et militants des droits humains ont posté des photos de M. Douma, entouré de camarades, à sa sortie de la prison de Badr, récemment inaugurée et régulièrement décriée pour ses conditions d'incarcération, à l'est du Caire.
Ahmed Douma, 37 ans, a publié un recueil de poèmes, "Curly" ("Frisé" en anglais), à partir de morceaux de papiers transmis discrètement à des avocats depuis sa prison.
Exposé à la Foire du livre du Caire en 2021, son livre a rapidement été retiré pour "raison de sécurité".
Cette nouvelle grâce intervient alors que Le Caire a ouvert un "dialogue national" censé discuter des sujets qui fâchent dans le pays de 105 millions d'habitants, en pleine crise économique et où l'opposition est muselée depuis une décennie.
M. Sissi a annoncé mercredi avoir reçu les premières recommandations de ce "dialogue", et les avoir "transmises (...) pour qu'elles soient appliquées".
- Dialogue et élections -
S'il ne l'a pas annoncée, le chef de l'Etat envisage sa candidature au scrutin présidentiel prévu au printemps 2024, estiment unanimement les observateurs.
Dans ce contexte, les grâces présidentielles --en sommeil depuis des années mais relancées en 2022-- se sont multipliées.
En juillet, le chercheur Patrick Zaki --condamné à trois ans ferme pour "fausses informations"-- et l'avocat Mohamed al-Baqer --condamné son arrestation en plein tribunal alors qu'il assistait son client Alaa Abdel Fattah, le détenu politique le plus célèbre d'Egypte-- en avaient bénéficié.
Plusieurs autres opposants ont également été relâchés ces derniers mois.Samedi de nouveau, quatre autres noms figurent sur le décret de grâce présidentielle.
Maintenant que M. Douma est libre, M.Abdel Fattah est la dernière figure emblématique encore détenue parmi les milliers de prisonniers d'opinion d'Egypte.
Hossam Bahgat, fondateur de l'Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), dénonce un fait du prince dicté par les pressions venues d'Egypte comme d'ailleurs.
"Le régime est conscient des frustrations grandissantes" nées des "promesses non tenues et du fait que rien ne change sur le terrain", assure-t-il à l'AFP.
A Washington, certaines voix réclament régulièrement la coupure de l'aide militaire au Caire en rétorsion aux violations des droits humains.En Egypte même, où dévaluation et inflation étouffent les foyers, la colère sociale couve, gagnant jusqu'aux institutions.
"Certains grands partis d'opposition menacent désormais publiquement de quitter le dialogue national parce qu'il n'a eu aucun impact sur la scène politique", explique M. Bahgat.
- "Vider l'océan à la cuillère" -
La grâce de M. Douma reste malgré tout "une très bonne nouvelle" car il fait partie "des militants les plus honnis du régime", concède M. Bahgat.
"Mais le problème reste le même: le régime essaye de vider l'océan à la petite cuillère" avec des "choix aléatoires sans transparence ni explication sur pourquoi certains sortent et d'autres sont ignorés", poursuit-il.
De fait, les militants libérés sont généralement des libéraux alors que la majorité des milliers de détenus politiques d'Egypte sont soupçonnés d'accointance avec les islamistes --en premier lieu les Frères musulmans de Mohamed Morsi, le défunt président renversé par M. Sissi.
Le comité des grâces présidentielles a depuis un an fait libérer près d'un millier de prisonniers, insistent les autorités.Cependant, presque "trois fois plus ont été arrêtées dans le même temps", tempèrent des ONG.Certains ont même été arrêtés de nouveau.
Les autorités refusent de divulguer le nombre de personnes incarcérées, tout en inaugurant régulièrement de nouvelles prisons.
Depuis janvier, des militants ont recensé 24 morts en détention, dont six dans ces nouveaux "centres de réhabilitation" censés remplacer les dizaines de prisons vétustes du pays, dotés de bibliothèques ou d'ateliers.
L'Egypte, 135e pays sur 140 au classement de l'Etat de droit du World Justice Project, est l'un des pays recourant le plus à la peine de mort.Selon Washington, Le Caire viole les droits humains dans tous les domaines, des prisons à la liberté d'expression en passant par les droits LGBT+.
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