"Le cinéma algérien n'est pas mort", dit Nadir Moknèche

Infos. "Je ne crois pas que le cinéma algérien n'existe plus", confie à l'AFP le réalisateur franco-algérien Nadir Moknèche ("Lola Pater","Viva Laldjérie"), dont la filmographie explore les tabous qui hantent ses personnages nord-africains, des deux côtés de la méditerranée. 

"Le cinéma algérien n'est pas mort", dit Nadir Moknèche
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Angoulême (AFP)

Ce "casseur de clichés", comme il aime à se présenter, a encore frappé: cette fois, c'est au festival du film francophone d'Angoulême, dans le sud de la France, où son sixième long-métrage, "L'air de la mer rend libre", a été présenté samedi en compétition.

Six ans après "Lola Pater" -- film avec Fanny Ardant dans le rôle d'une femme trans d'origine maghrébine qui tente de renouer avec son fils -- il revient avec une histoire d'homosexualité, toujours dans une famille d'origine maghrébine.

L'histoire d'un mariage arrangé, censé +arranger+ deux familles: celle de Saïd, qui voit dans cette union une façon de masquer l'homosexualité d'un de ses membres.Et celle d'Hadjira, qui a eu maille à partir avec la justice et qui voit dans cette union une façon de se racheter une certaine respectabilité.

Le film questionne aussi le regard que pose la société sur les homosexuels issus de l'immigration nord-africaine.

"Lorsqu'un garçon d'origine arabe, musulmane, se cherche et tape sur un moteur de recherche +gay arabe+, il va tomber sur des images pornographiques, des obscénités.D'emblée, il est terrorisé car il se dit que c'est comme ça que la majorité le perçoit", explique le réalisateur.

- "C'est compliqué" -

Raconter cette minorité -- dont il est issue, lui qui est né à Paris en 1966 (quatre ans après l'Indépendance) de parents algériens -- est assez récent dans sa filmographie, débutée en 2000 avec "Le Harem de Madame Osmane" et ancrée au Maghreb.

Pas un cinéaste de blockbusters, ses films dont "Viva Laldjérie" ou "Goodbye Morocco", sont salués par la critique et dépassent, presque à chaque fois, les 100.000 entrées au box-office.

En 2007, son film "Délice Paloma", allégorie burlesque sur la corruption qui touche l'Algérie, avait été empêché de sortir sur place, scellant une rupture entre le cinéaste et sa terre d'origine.

Plus récemment, c'est le blockbuster mondial Barbie, de Greta Gerwig qui a été privé de salles en Algérie. 

Il y a tout juste un an, la société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) dénonçait la supression du dispositif de soutien public au cinéma algérien, substitué par un autre sytème. Un coup de massue pour un cinéma "florissant et reconnu bien au-delà des frontières de son pays", estimait-elle.

"Je ne crois pas que le cinéma algérien n'existe plus, il n'est pas mort parce qu'il y a des réalisateurs algériens partout dans le monde qui se battent et qui essayent de faire bouger les choses", assure-t-il. 

L'Algérie est le seul pays africain à avoir décroché une Palme d'or.C'était en 1975 avec "Chronique des années de braise" de Mohammed Lakhdar-Hamina. 

Si le 7e art algérien veut avoir une chance de s'épanouir, il faut "une volonté politique", affirme-t-il."Il faut faire les choses à l'ancienne, choisir des projets, les aider à les financer, et de la liberté".

Se sent-il encore un réalisateur algérien, comme il se définissait il y a encore quelques années ? "Oui, je suis un réalisateur algérien mais je suis aussi un réalisateur français.C'est compliqué et en même temps ça ne l'est pas car c'est le résultat de notre histoire commune", dit-il.

"N'en déplaise à certains, toute personne qui se veut réalisateur algérien a le droit d'être un réalisateur algérien, même si on est contraint d'aller chercher de l'argent ailleurs et qu'on ne peut pas tourner sur place".

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