Dans le petit pays aux paysages vallonnés, enclavé entre l'Afrique du Sud et le Mozambique, le roi Mswati III nomme le Premier ministre, le cabinet, les juges et les actes du Parlement n'ont force de loi qu'adoubés de son blanc-seing.
La campagne électorale a été limitée à deux semaines.Dans les rues, peu d'affiches, pas de long débat le soir sur les télévisions et quasiment aucun meeting dans un pays où les partis politiques sont interdits depuis 50 ans.
Les candidats aux 59 sièges de députés qui seront élus vendredi se présentent sans étiquette partisane et sont pour la plupart fidèles au roi.
"Nous n'avons pas le droit d'être libres, il n'y a aucune liberté d'expression.Et si vous dites cette vérité, vous vous retrouvez en exil ou en prison", lâche à l'AFP LaZwide, avant de s'exprimer devant quelques centaines de soutiens mercredi, dans un stade de foot boueux de Siphofaneni, petite ville à environ 80 km de la capitale Mbabane.
En lourdes bottes sous une pluie fine et le visage rehaussé d'un léger rouge à lèvres, l'ancienne chanteuse de gospel de 44 ans est entrée en politique en quelque sorte par alliance: élue pour la première fois députée lors d'élections partielles en 2022, elle a pris le siège de son mari pro-démocrate poursuivi par le régime et contraint à l'exil.
"Je ne suis pas une politicienne", avoue-t-elle modestement. "Mais je sais me faire entendre par ici".
- "J'ai eu peur" -
Peur de la répression?D'être arrêtée?Deux députés de l'opposition élus en 2018 sont aujourd'hui derrière les barreaux.
"Oui, j'ai eu peur", dit-elle en racontant avoir fui à l'étranger il y a deux ans, avec son mari et leurs cinq enfants, pour échapper à la vague de répression qui a suivi des manifestations anti-régime violemment étouffées par la police et l'armée, faisant une quarantaine de morts.
Mais avec un mélange de foi religieuse dans un pays majoritairement chrétien et l'intime conviction qu'elle devait prendre la relève de son mari, elle est rentrée au pays, seule.
"On croit en elle", souffle Bandile Khoza, 25 ans, avant de boire les paroles de la candidate montée sur une scène de fortune faite de quelques planches de bois.Comme près de la moitié des jeunes de sa génération, il ne trouve pas d'emploi et rêve d'une vie meilleure.
"Il n'y a pas de liberté au Swaziland (ancien nom d'Eswatini, ndlr), il n'y a pas de démocratie", lâche-t-il avec colère mais sans oser en dire trop sur un roi capricieux, souvent critiqué pour mener un train de vie somptueux parmi 1,2 million de sujets dont près d'un tiers vit sous le seuil de pauvreté.
En Eswatini, une parole déplacée peut mener en prison et la presse n'a pas le droit de relayer une quelconque critique du monarque.
"Nous sommes diplômés mais au chômage.Notre espoir, c'est de trouver un emploi et voir notre ville se développer", témoigne Thandiwe Mtsetfwa, 28 ans, avant de repartir danser au son des baffles qui a envahi le stade sous un ciel lourd.
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