La nuit du 10 septembre, la tempête Daniel a frappé l'est du pays et notamment Derna, une ville de 100.000 habitants bordant la Méditerranée, entraînant la rupture de deux barrages en amont et provoquant une crue de l'ampleur d'un tsunami emportant tout sur son passage.
Après s'être raccrochés à l'espoir de retrouver des survivants puis avoir guetté l'arrivée au port des corps repêchés en mer, les habitants de la ville sont désormais torturés par le désespoir, plus de trois semaines après la catastrophe qui a fait plus de 4.000 morts et des milliers de disparus, selon les autorités libyennes.
"Presque tout le monde dans la ville est en deuil et souffre", témoigne Michel-Olivier Lacharité, de Médecins sans frontières, qui a rencontré des survivants à Derna.
"Certains enfants refusaient de boire de l'eau par peur de se noyer.Des patients se sont plaints de flash-back, de ne pas pouvoir dormir entre 02H30 et 05H00 du matin, moment où la vague meurtrière a englouti la ville", raconte-t-il.
"Les survivants doivent maintenant faire face aux traumatismes", a alerté l'ONG International Rescue Committee (IRC), qui avait dépêché, au lendemain des inondations, ses équipes médicales dans les zones sinistrées.
"Alors que des quartiers entiers ont disparu, veiller au bien-être mental des personnes touchées doit aller de pair avec les services de base" dont manque la ville, a noté Elie Abouaoan, directeur de l'IRC en Libye.
Les enfants, "particulièrement vulnérables", ont été "exposés à (...) des privations extrêmes" et risquent des séquelles et des "retards de développement", alerte-t-il.
- "Détresse émotionnelle" -
Le drame a "plongé dans une grande détresse émotionnelle" enfants et parents, a déploré de son côté l'Unicef, évoquant notamment la "destruction de leur maison" et la "perte d'êtres chers".
L'organisation onusienne a indiqué que ses "partenaires" sur le terrain avaient signalé "plusieurs cas de suicides, de repli sur soi, de manque de sommeil, d'énurésie, etc.chez les enfants, en particulier dans les centres d'hébergement".
Le drame a provoqué le déplacement de plus de 42.000 personnes, selon les derniers chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui estime que les besoins urgents des déplacés portent sur "la nourriture, l'eau potable, la santé mentale et le soutien psycho-social".
La priorité des autorités maintenant est la reconstruction de Derna, de ses bâtiments et de ses ponts, mais elle doit aller de pair avec la reconstruction sociale et mentale de ses habitants traumatisés qui ont besoin d'un soutien à court et long terme pour accepter et gérer l'inacceptable, estiment les spécialistes.
Des dizaines de mineurs se retrouvent maintenant seuls, sans famille et sont désormais pris en charge par l'Etat, selon un décret des autorités.
L'ONG américaine International Medical Corps a annoncé des accords avec les autorités pour assurer un suivi médical et former des personnels médicaux qui fourniront un soutien psychologique aux habitants de Derna.
Mais l'ampleur de la dévastation qui a frappé le coeur de la ville a mis hors d'usage la plupart des infrastructures de services et les hôpitaux, du moins ceux qui sont encore debout, ne sont plus aptes à accueillir des patients.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) de son côté a fait état "d'énormes besoins en matière de santé mentale" qui "continueront à se manifester, à mesure que le choc initial de la dévastation et de la perte qu'ils (les habitants) ont subies commencera à se dissiper".
Coupée en deux par les flots, "Derna aujourd'hui, brisée (...), est à l'image de ce que ressentent ses habitants", regrette, lors d'un entretien téléphonique avec l'AFP, Mayssam Hasedi, qui a perdu plus d'une vingtaine de ses proches dans les inondations.
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