Génocide: un Rwandais absent à son procès à Bruxelles, suspension pour 48 heures

Infos. Le procès à Bruxelles de deux anciens responsables rwandais jugés pour "crimes de guerre" et "crime de génocide" commis en 1994 a été suspendu lundi au bout de quelques heures, en raison de l'absence d'un des deux accusés qui va devoir être examiné par un médecin.

Génocide: un Rwandais absent à son procès à Bruxelles, suspension pour 48 heures
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Bruxelles (AFP)

Il s'agit de Pierre Basabosé, 76 ans, un des financiers présumés des miliciens Interahamwe (extrémistes hutu) à Kigali, hospitalisé depuis trois jours dans la capitale belge.

La présidente de la cour d'assises a annoncé en début d'après-midi avoir ordonné un examen médical pour voir s'il est capable d'assister à son procès.

Elle a demandé que l'examen soit réalisé dans les 48 heures, et a décidé de suspendre le procès jusqu'à mercredi à 14H00 (12H00 GMT).

La santé de l'accusé séptuagénaire a été au coeur des premières heures de débats lundi.

Son avocat Jean Flamme estime depuis plusieurs mois que le "syndrome démentiel" dont il souffre ne lui permet pas de participer à son procès.

Il avait été débouté sur ce point en juin.Mais lundi la cour a accepté sa demande qu'une nouvelle expertise psychiatrique soit pratiquée.Une requête qui était soutenue par certaines parties civiles.

Il s'agit du sixième procès d'assises en Belgique lié au génocide des Tutsi perpétré au Rwanda il y a près de trente ans.

L'audience, qui doit durer deux mois, concerne deux personnalités proches de l'ex-couple présidentiel Habyarimana: Pierre Basabosé et Séraphin Twahirwa, 65 ans. 

Tous deux avaient trouvé refuge en Belgique, l'ancienne puissance coloniale du Rwanda où vit une importante communauté rwandaise.Ils y ont été arrêtés en septembre 2020.

Ciblés par des mandats d'arrêt émis au Rwanda, ils étaient également dans le collimateur du parquet belge, alerté par les services de l'immigration sur leur profil suspect.

Séraphin Twahirwa est accusé d'avoir dirigé à Kigali une milice d'Interahamwe à l'origine de dizaines de meurtres entre avril et juillet 1994.

Il se voit aussi reprocher une douzaine de viols commis sur des femmes tutsi.

- "Des procès historiques" -

De son côté, Pierre Basabosé, ancien militaire devenu riche entrepreneur, est accusé d'avoir fourni en argent et en armes les hommes de Twahirwa.

Ancien membre de la garde présidentielle dans les années 1970, Basabosé était aussi un des actionnaires de la Radio-télévision libre des Mille collines, tristement célèbre pour avoir diffusé durant le génocide des appels à tuer des Tutsi.

Réclamés aussi par le Rwanda, les deux hommes sont jugés en Belgique au titre de la "compétence universelle" des tribunaux belges pour les crimes de droit international humanitaire commis à l'étranger.Ils encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

Le 6 avril 1994, l'avion du président Habyarimana, un Hutu, avait été la cible d'un tir de missile au-dessus de l'aéroport de Kigali, en phase d'atterrissage.

Cet attentat, qui avait aussi coûté la vie à son homologue burundais Cyprien Ntaryamira, est considéré comme l'événement déclencheur du génocide au Rwanda, qui a fait entre avril et juillet au moins 800.000 morts selon l'ONU.Les victimes se comptent essentiellement au sein de la minorité tutsi mais aussi parmi les Hutu modérés.

Depuis 2001, cinq procès liés à ce génocide avaient déjà été organisés devant la cour d'assises de la capitale belge, le dernier en 2019.

"La Belgique est pionnière dans la poursuite des génocidaires et ces procès sont toujours historiques", a déclaré à l'AFP l'avocate Michèle Hirsch, qui a été de tous ces procès "rwandais" à Bruxelles du côté des parties civiles.

Lundi matin, Me Hirsch s'est opposé à l'avocat de Pierre Basabosé, dénonçant une défense bâtie sur "la négation du génocide des Tutsi".

Un autre point de crispation porte sur la liste des témoins établie en juin par la cour.

Me Jean Flamme a réclamé l'audition de davantage de "témoins de contexte", susceptibles de venir décrire au jury populaire le caractère prévisible du génocide de 1994.

Il affirme que dès le début des années 1990 des "massacres anti-Hutu" étaient perpétrés par le Front patriotique rwandais (FPR), le parti de l'actuel président Paul Kagamé, un Tutsi.

Si mercredi Pierre Basabosé était déclaré inapte à suivre son procès, son cas pourrait être disjoint, et l'audience se poursuivrait avec uniquement Séraphin Twahirwa sur le banc des accusés.

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