Une dizaine de personnes sont installées dans ce bar, tristes voire prostrées, ressassant ce dimanche maudit.
Trois journées consécutives d'intempéries avaient fait céder un mur faisant office de digue pour retenir un plan d'eau artificiel et les coulées de boue ont emporté une trentaine de maisons construites à flanc de colline.
Ces éboulements en saison des pluies surviennent fréquemment à Yaoundé, une ville de quelque 3 millions d'habitants constellée de collines sur les flancs desquelles des habitations souvent précaires sont installées, au mépris du caractère périlleux et, selon le gouvernement, non-constructible de ces terrains.
"Nous sommes les premières victimes", souffle une jeune femme."Une fête d'anniversaire avait lieu à la maison lorsque les eaux sont arrivées.La maison a été complètement détruite", se lamente-t-elle en refusant de livrer son nom.
La grande majorité des riverains préfèrent ne pas être identifiés, sans doute parce que ces constructions, tolérées pourtant depuis des lustres par les autorités locales comme nationales, ne sont de facto pas légales.
Dans le petit bar, Frédéric Kuete, restaurateur de 25 ans, a du mal à contenir ses larmes."J'ai tout perdu.Les vêtements que je porte, je viens de les acheter", lance-t-il, désespéré."J'habite le quartier depuis 10 ans.Lorsque le drame a eu lieu, j'étais hors de la maison et c'est d'ailleurs la pluie qui m'a empêché de rentrer plus tôt", raconte le jeune homme.
Dimanche dans la nuit et toute la journée de lundi, habitants et pompiers avaient retiré 27 corps sans vie des amas de gravats et de l'épaisse couche de boue au pied de la colline.
"Nous avons extrait un autre corps aujourd'hui", explique sur place mardi après-midi à l'AFP le colonel David Petatoa Poufong, commandant en second du corps national des sapeurs-pompiers.
-Nourrisson sauvé-
Lundi, un nourrisson de sept mois a été extrait vivant des décombres, comme plusieurs autres personnes mais, mardi, l'officier avouait ne pas savoir s'il restait des habitants portés disparus.
Quelques-uns de ses hommes continuaient de fouiller le sol et les décombres mais des engins s'affairaient déjà à raser les maisons ayant résisté à la fureur des eaux.
Lundi, le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, s'emportait contre ces "constructions dans des zones dangereuses", promettant de "sensibiliser" maires et habitants pour que "ces zones non constructibles soient libérées".
Et, après des années, voire des décennies, à laisser ces bâtisses pousser comme des champignons -- comme le pointe une polémique naissante sur les réseaux sociaux -- le ministre a ordonné illico la destruction de toutes celles encore debout sur la colline de Nkol Etam.
Leurs habitants les vident à la hâte.Fauteuils, matelas, lits et autres meubles s'entassent.Des hommes, femmes et enfants vont et viennent avec sacs et valises sur la tête, pataugeant dans une boue épaisse.
Peter Nkoh Fossi, vit ici depuis 23 ans.Il laisse éclater sa colère.Sa maison a été détruite mardi matin.
"Ici c'était ma salle de séjour", se désole-t-il en montrant un pan de mur, devant lequel sont assis sa femme et ses enfants."J'ai 72 ans et six enfants et je n'ai plus un sou.Où allons-nous aller ? Le gouvernement aurait pu nous donner une ou deux semaines pour qu'on s'organise", se lamente-t-il.
Dimanche soir, "on m'a appelé pour me dire que la maison était en train de s'écrouler.J'ai accouru, on a pu sauver la mère de mon amie et sa fille, mon petit frère a été blessé et est à l'hôpital, mais on n'a pas retrouvé sa petite amie", raconte Frédéric Kuete, le jeune restaurateur.
Augustin Ondobo, 35 ans, coach de golf, se rappelle être accouru dès qu'il a entendu le terrible tremblement et "trouvé plusieurs corps qui flottaient déjà dans l'eau".
Une vieille dame et des enfants prient à voix haute devant leur maison marquée d'une croix à la peinture rouge, signifiant qu'elle doit être détruite comme les autres, en espérant encore qu'elle sera épargnée par les bulldozers.
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