Kenya: de Kibera à Vogue, Avido met la mode au service du ghetto

Infos. Ses tenues fabriquées à Kibera, le plus grand bidonville du Kenya, ont fait le tour du monde, attirant l'attention de Bruno Mars, Beyoncé et du magazine Vogue.Mais pour Avido, les créations ont une finalité: révéler et développer son ghetto natal.

Kenya: de Kibera à Vogue, Avido met la mode au service du ghetto
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Kibera (Kenya) (AFP)

C'est dans ce but que le designer de 27 ans a lancé la Kibera Fashion Week, dont la deuxième édition s'est tenue samedi au coeur du principal bidonville de Nairobi, l'un des plus grands d'Afrique.

Il a fait de sa trajectoire l'une de ses devises: "De grandes choses peuvent venir d'endroits où l'on s'y attend le moins".

Cet aîné d'une famille de quatre enfants élevés par une mère célibataire n'avait jamais pensé faire une carrière dans ce milieu.

"Ce qui m'a poussé dans la mode, c'est de trouver un alibi pour me maintenir en vie", explique de sa voix grave Avido, de son vrai nom David Ochieng."60% à 70% de mes amis (de jeunesse) sont morts" dans des crimes ou tués par la drogue, estime-t-il.

Contraint de quitter l'école à l'âge de 11 ans, faute de moyens, il a tenté de gagner sa vie et éviter la délinquance.D'abord par le football, puis en travaillant sur des chantiers, avant de rejoindre un groupe de danse.

Il s'est mis à dessiner des tenues pour le groupe."J'ai commencé à passer du temps chez les tailleurs qui fabriquaient les vêtements avec lesquels nous dansions", raconte-t-il."J'ai appris à coudre sans le savoir".

- Chapeau, bombers, kimonos -

Il a ensuite suivi une formation de mode."Il était vraiment motivé.(...) C'est un fonceur", se souvient Japheth Okoth, employé d'une ONG qui l'a hébergé et aidé à obtenir sa première machine à coudre.

"Dès qu'il a eu cette machine, il s'est mis à dessiner des vêtements, confectionner des chemises", ajoute-t-il. 

Une de ses chemises le fera remarquer l'année suivante, en 2017, par le chanteur Don Carlos, figure du reggae et fondateur du groupe Black Uhuru, de passage à Kibera en marge d'un concert.Avido lui en offre une.

Cette rencontre le convainc de se consacrer à la mode.

Avec sa marque "Lookslike Avido", il développe un style coloré, unisexe, mêlant motifs et textures divers, notamment le tissu ankara - également connu sous le nom de wax - et le velours que l'on retrouve sur ses kimonos et blousons bombers.

Son inspiration ne vient pas des podiums de New York, Paris ou Milan mais des rues de Kibera."Ici, on a tout.Quand on parle de mode d'avant-garde, officielle, tout ça est dans la rue", explique celui qui se définit comme un "street designer".

Un de ses produits signature vient toutefois de la campagne kényane: un panier conique tressé par sa grand-mère, qu'il a renversé et porté en chapeau un jour de pluie.

Son style a attiré l'oeil de Bruno Mars, du rappeur Ty Dolla Sign, du chanteur de reggae Chronixx, du leader du groupe Coldplay Chris Martin ou de Beyoncé, qui l'a sollicité avec d'autres créateurs africains pour son projet "Black is King".

Il a exposé ses créations durant la Fashion Week de Berlin en 2019.

- "Ne pas grandir seul" - 

Mais Avido garde ses deux pieds à Kibera. 

Quand Vogue Italia l'a contacté en 2019 pour une interview et un shooting photo, il a insisté pour que les modèles soient des jeunes femmes de son bidonville et qu'elles soient rémunérées.

Ses vêtements sont tous "made in Kibera", conçus et confectionnés sur place.

Marqué par les difficultés de sa jeunesse, le créateur fournit aussi, à travers sa fondation, des uniformes aux écoliers du quartier, paye les frais de scolarité de certains, forme à la couture des mères de famille...

Durant la pandémie, il a également produit des milliers de masques distribués gratuitement.

Pour lui, "la mode ne consiste pas seulement à fabriquer des vêtements, mais c'est une plateforme pour permettre à notre communauté de vivre mieux". "Quand j'envisage un projet, je réfléchis à l'impact qu'il aura.S'il n'en n'a pas, généralement je ne le fais pas", explique-t-il.

Malgré sa notoriété, il n'entend pas quitter son bidonville natal.

"Je ne vois pas l'intérêt de grandir seul", confie-t-il: "Je pourrais grandir, partir, participer à la Paris Fashion Week.Mais je préfère avoir une Fashion Week ici et inspirer des gens". 

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