La ville du Cap accueille jusqu'à dimanche ce concours créé il y a trente ans par le ténor espagnol Placido Domingo, opposant 34 chanteurs pré-sélectionnés parmi 800 candidats.Suivant les traces de la soprano superstar Pretty Yende, qui a chanté au couronnement du roi Charles, cinq d'entre eux sont sud-africains.
Luvo Maranti, silhouette trapue et collier de barbe, a abandonné un boulot en ressources humaines, avec un salaire régulier; il a dû préparer ses parents au fait qu'il ne pourrait plus les aider financièrement.Il ne regrette jamais, même quand il évoque pour l'AFP les jours sans repas, en attendant bourses et soutiens.
"Je me sentais égoïste.Mais je voulais être heureux, pas passer ma vie dans un bureau", confie le jeune homme de culture xhosa qui chante aujourd'hui en italien, en allemand ou en français.
"Je suis parti de zéro.Bien sûr, je chantais à la messe" et l'Afrique du Sud a une culture riche en musique chorale et polyphonique."Mais l'opéra, c'est un autre monde.J'ai dû apprendre à lire des notes, à l'occidentale", plus seulement à l'oreille.
Il a tremblé aussi lors de sa première scène."Au sein d'un chœur, t'es en sécurité.Comme soliste, tu es vulnérable: dès ta première note, le public voit ton cœur (...) Tu es jugé".Une peur qu'il apprend désormais à apprivoiser.
Sakhiwe Mkosana, baryton de 29 ans, évoque un parcours similaire depuis son township jusqu'à Francfort (Allemagne) où il est désormais installé, dans un incubateur de jeunes talents.
Il rêvait de devenir avocat.Mais, une chance dans sa zone défavorisée, son lycée propose un cours de musique.Et son prof le repère dès le premier jour de chorale."Il m'a dit: si tu t'accroches, tu peux envisager une carrière solide".
- "Chanter me libère" -
Aujourd'hui, "j'adore raconter une histoire sur scène, en sachant que le public n'a pas forcément accès aux paroles.Si je réussis à convaincre une seule personne d'aller voir un opéra, c'est gagné", dit le jeune homme posé, à la voix imposante émanant d'un corps filiforme.
"Dans la communauté noire, on aspire à devenir avocat, médecin", pour s'en sortir."La question récurrente c'est: vais-je pouvoir en vivre ? J'ai la pression".En attendant, ce concours offre une visibilité énorme."On chante devant des directeurs d'opéra, agents, directeurs de casting..."
Nombulelo Yende, soprano et petite sœur de Pretty, confirme.Ce concours, c'est "une audition géante.Tous ceux qui comptent dans notre univers sont réunis dans une seule pièce.Ou alors ils regardent en ligne".Belle opportunité d'être repéré sans avoir à parcourir la planète en avion.
A 32 ans, sa carrière est lancée.Mais le concours peut "élargir l'horizon".Dans un studio de l'opéra du Cap, Artscape, elle répète Mozart et Wagner dans une simple robe fleurie en coton.Ses mains s'envolent devant elle, au rythme de la mélodie.Son vibrato puissant fait trembler les murs.
"Chanter me libère.J'aime incarner toutes ces émotions", confie-t-elle après, une bouteille d'eau à la main, vidée.
Le pianiste enchaîne avec encore une candidate.Siphokazi Molteno, mezzo de 31 ans, longues tresses et combinaison ajustée en jean, est installée à New York."J'ai toujours chanté.Mais là d'où je viens, l'opéra n'existe pas", dit cette native de Gqeberha (sud-est).
A 14 ans, une prof de musique, encore, l'incite à tenter un aria de Mozart.Ses camarades de classe ricanent, mal à l'aise, mais elle éprouve "une émotion immédiate".La promesse d'une profondeur jusque-là insoupçonnée."Je me suis mise à en écouter quand j'étais seule.J'avais trouvé là quelque chose de précieux".
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