Infligeant un sévère camouflet au Premier ministre britannique, la plus haute juridiction du pays a confirmé l'illégalité de cette mesure phare de la politique migratoire du gouvernement conservateur, mettant en cause le traitement des demandeurs d'asile au Rwanda.
Sous pression de son propre camp pour respecter sa promesse de mettre fin aux arrivées illégales de migrants, le Premier ministre Rishi Sunak a aussitôt indiqué que son gouvernement travaillait déjà à un "nouveau traité" avec Kigali répondant aux objections de la Cour suprême.
Il s'est entretenu avec le président rwandais Paul Kagame et les deux dirigeants ont "réitéré leur ferme engagement à faire fonctionner (leur) partenariat" et annoncé des mesures "pour s'assurer que cette politique soit solide et légale", selon Downing Street.
Pour lever l'opposition de la justice, le dirigeant britannique a annoncé lors d'une conférence de presse une "loi d'urgence" classant le Rwanda comme un pays sûr.Et il a durci le ton contre le risque d'obstacles venant de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), basée à Strasbourg, assurant qu'il ne "permettra pas à une cour étrangère de bloquer ces vols".
"Si la cour de Strasbourg décide d'intervenir contre la volonté du Parlement, je suis prêt à faire tout ce qu'il faut pour faire décoller des avions", a-t-il insisté.
Le nouveau ministre de l'Intérieur James Cleverly a précisé que le gouvernement travaillait ces derniers mois à "apporter les certitudes que demande la justice", le tout en conformité avec le droit international.
- Risque de "persécutions" -
Annoncé il y a un an et demi, à l'époque sous le gouvernement de Boris Johnson, le projet d'envoyer au Rwanda des migrants - quelle que soit leur origine - n'a jamais été mis en oeuvre.Mi-2022, un premier vol avait été annulé in extremis après une décision de la CEDH.
Ce projet vise à avoir un effet dissuasif sur l'immigration clandestine mais ses détracteurs le jugent inhumain et réclament la mise en place de voies légales pour accéder au système d'asile sans que les migrants n'aient à traverser illégalement la frontière.
Fin juin, la cour d'appel de Londres avait jugé le projet "illégal", estimant qu'il existe "un risque réel que les personnes envoyées au Rwanda soient (ensuite) renvoyées dans leur pays d'origine où elles étaient en proie à des persécutions et autres traitements inhumains".
Un raisonnement validé par la Cour suprême dont la décision a été applaudie par les associations de défense des droits humains et le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies.
A quelques mois des législatives attendues l'année prochaine, elle sonne en revanche comme un revers cuisant pour le Premier ministre et sa promesse d'"arrêter les bateaux" de migrants sur la Manche.
Ils sont plus de 27.000 à avoir effectué la traversée depuis le début de l'année, après un record de 45.000 en 2022.
- 100% de rejets -
Le gouvernement rwandais, via une porte-parole, a dit "contester la décision selon laquelle le Rwanda n'est pas un pays tiers sûr pour les demandeurs d'asile et les réfugiés".
Intervenant dans la procédure, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avait estimé que la Rwanda n'avait pas de "système d'asile accessible, fiable, juste et efficace", et rappelé qu'il a "invariablement exprimé de graves préoccupations" dans ce dossier.
Le HCR avait souligné, a rappelé mercredi le président de la Cour suprême, que le Rwanda rejetait "100% des demandes d'asile" de pays en zone de conflit comme la Syrie, le Yémen et l'Afghanistan, "alors même que les autorités britanniques concluent souvent que de telles demandes sont bien fondées".
Londres n'a cessé de durcir son discours sur l'immigration.En juillet a été votée une loi interdisant aux migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni de demander l'asile, indépendamment des raisons qui les ont poussés à fuir leur pays.
L'ONU a dénoncé un texte contraire au droit international et s'est inquiétée que "d'autres pays, y compris en Europe" soient tentés de suivre ce chemin.
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