Plus d'un demi-siècle de violences politiques et ethniques, de massacres, de répression: la Guinée reste meurtrie par un passé de violences, page sombre qu'a promis de tourner le nouveau président Alpha Condé, au pouvoir depuis six mois, mais la réconciliation reste à faire.
"Il n'y a pas que le sous-développement économique en Guinée, il y a aussi le sous-développement mental", affirme Mamadou Bhoye Barry, dirigeant de l'Union pour le progrès national (UPN, opposition).Un "sous-développement mental" qui, selon lui, se traduit par "les divisions ethniques".
"Elles s'enracinent", dit-il et la politique de réconciliation promise par Alpha Condé, premier président démocratiquement élu du pays en novembre 2010, investi le 21 décembre, "ne s'est pas traduite sur le terrain, même si la volonté existe".
Une trentaine d'ethnies forment la Guinée, dont les principales sont les Malinkés, les Peuls, les Soussous et les Guerzés.Les dictatures et juntes militaires qui ont dirigé le pays depuis l'indépendance en 1958, jusqu'à la présidentielle de 2010, ont le plus souvent attisé la méfiance existant entre elles.
"Les gens se regardent en chiens de faïence", note Fodé Maréga, président de l'Association des victimes du camp Boiro (AVCB), camp militaire de Conakry où des dizaines de milliers d'opposants ont été torturés et exécutés pendant la dictature de Sékou Touré (1958-1984), "père de l'indépendance".
"La stigmatisation ethnique fait qu'on est au bord de la rupture", affirme-t-il.
Les partis politiques ont une base ethnique et la dernière campagne électorale de 2010 a été marquée par des violences entre partisans d'Alpha Condé, malinké, et ceux de son adversaire, Cellou Dalein Diallo, peul.
"La première des choses qu'il faut que Condé fasse, c'est une tournée à l'intérieur du pays pour aller voir sa population, amener les gens à se pardonner", suggère Mamadou Bhoye Barry, "c'est un impératif".
M. Condé a annoncé son intention de créer une Commission vérité et réconciliation, chargée de faire la lumière sur tous les crimes commis sous tous les régimes, jusqu'alors restés impunis.
Le plus sanguinaire a été celui de Sékou Touré (de 50.000 à 100.000 morts), mais ceux du général Lansana Conté (1984-2008) et de la junte militaire du capitaine Moussa Dadis Camara (fin 2008 à fin 2009) se sont également rendus coupables de crimes et d'atrocités.
Début 2007, les forces de sécurité du général Conté ont réprimé un soulèvement populaire faisant environ 200 morts à Conakry, tandis que celles du capitaine Camara ont massacré au moins 150 opposants le 28 septembre 2009 dans un stade de la capitale.
Fodé Maréga exprime des doutes sur la volonté du président Condé de mettre en place la Commission vérité et réconciliation.Sous l'influence "de forces négatives autour de lui", des caciques du régime Conté, "nous pensons qu'il a changé", dit-il.
"Il se demande maintenant si les bourreaux vont témoigner et les victimes accepter le pardon et a dit qu'il enverrait une mission dans les régions pour consulter les sages", afin de savoir ce qu'ils pensent de la commission, affirme M. Maréga, dont le père a été exécuté sous Sékou Touré.
Il s'étonne de n'avoir pas été reçu par Alpha Condé, rappelant que le président, ancien opposant historique, a lui-même a été condamné à mort par contumace par Sékou Touré."Il n'est pas mort car il était en exil, mais il a un devoir de mémoire à l'égard de ceux qui sont morts".
Selon lui, "le problème de la Guinée, c'est l'impunité", ce qui expliquerait pourquoi les forces de l'ordre ont encore tiré à balles réelles, le 3 avril, contre des partisans de Cellou Dalein Diallo, tuant l'un d'eux.
"S'il n y a pas de justice vis-à-vis des victimes, la Guinée ne s'en sortira jamais", affirme M. Maréga, ajoutant: "les moments douloureux que nous avons vécus ne doivent pas nous diviser encore plus, mais nous permettre de nous ressouder".
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