Réunion de crise, accusations "d'atteinte à la souveraineté nationale", appels à manifester: l'assassinat d'un ingénieur tunisien, attribué par le mouvement islamiste palestinien Hamas à Israël, a provoqué de sérieux remous lundi en Tunisie.
La branche armée du Hamas a affirmé samedi soir que l'Etat hébreu était responsable du meurtre, jeudi à Sfax, dans l'est tunisien, de Mohamed Zaouari, 49 ans, décrit comme un dirigeant du mouvement islamiste spécialisé dans le développement de drones.
Pressé de s'expliquer, le gouvernement tunisien s'est montré plus prudent lundi, tout en s'efforçant de donner des gages sur l'avancée de l'enquête.
"Il y a effectivement la possibilité d'une implication d'un service étranger, mais (...) il nous manque des preuves tangibles à ce stade", a dit lors d'une conférence de presse le ministre de l'Intérieur Hédi Majdoub, qui avait participé en matinée à une réunion sur la sécurité avec le Premier ministre Youssef Chahed.
L'assassinat, pour lequel 10 suspects ont été interpellés à ce jour, a été planifié dès juin, depuis Vienne et Budapest, a-t-il ajouté.
M. Majdoub a évoqué "au moins deux commanditaires étrangers", et noté que le ou les auteurs des tirs n'avaient pas encore été formellement identifiés.
Une séance plénière d'urgence doit intervenir dans les jours à venir au Parlement pour débattre du dossier.
- "Eléments étrangers" -
Dès dimanche, le gouvernement tunisien avait indiqué dans un communiqué que des "éléments étrangers" étaient impliqués dans ce crime.
Il avait aussi exprimé son engagement "à protéger tous ses citoyens et poursuivre les coupables, (...) à l'intérieur et à l'extérieur du pays".
L'affaire faisait lundi la Une des médias.
"Notre agitation quotidienne, nos luttes internes, nos clivages et querelles à n'en plus finir font de notre pays le théâtre d'actions faciles", a déploré le quotidien La Presse.
"La souveraineté nationale est en jeu", a renchéri Assabah (arabophone), une opinion partagée par d'autres organisations.
Dans ce contexte, plusieurs appels à manifester ont été lancés par des formations politiques, notamment pour mardi midi à Tunis.
Dès vendredi, le mouvement islamiste Ennahdha avait dénoncé un meurtre menaçant la "stabilité" du pays.
L'Ordre des ingénieurs tunisiens a de son côté appelé à une "journée de colère" jeudi, et au port d'un brassard noir par ses membres.
Selon les enquêteurs, Mohamed Zaouari a été tué jeudi en plein jour d'une vingtaine de balles alors qu'il était au volant de sa voiture, devant son domicile.Ses funérailles se sont déroulées dimanche en petit comité.
Parmi les 10 interpellations figure une Tunisienne ayant interviewé l'ingénieur.Quatre véhicules et deux armes munies de silencieux ont été saisis.
- "Honte", "choc" -
A l'affaire en elle-même est venue s'ajouter durant le week-end une controverse sur la diffusion par la chaîne israélienne 10 d'un reportage marqué par la présence d'un de ses journalistes sur les lieux du crime.
La section communication du syndicat UGTT et le Syndicat national des journalistes (SNJT) ont exprimé leur "honte" et leur "choc".
Interrogée par l'AFP, une source proche de l'enquête a affirmé que le journaliste israélien était entré en Tunisie avec "un passeport allemand, comme écrivain".
Décrit par le Hamas comme une "personnalité importante dans le développement de drones", Mohamed Zaouari n'était pas connu en Tunisie.
Le ministre de l'Intérieur a confirmé que ce militant marié à une Syrienne avait fui le pays en 1991, à une époque où les islamistes étaient la cible du régime de Zine el Abidine Ben Ali.
L'homme, qui possédait également la nationalité belge, était revenu après la révolution de 2011 et effectuait de fréquents séjours en Turquie.
Le Hamas, qui a décrété une journée de deuil à Gaza, a affirmé que Zaouari travaillait depuis 10 ans pour la "résistance" et qu'il avait tenté de s'introduire en Israël en 2014.
Les autorités israéliennes n'ont pas réagi pour l'heure aux accusations du Hamas.Mais l'Etat hébreu a dans le passé assassiné plusieurs membres de groupes activistes, notamment en Tunisie.
En 1988, le numéro 2 de l'OLP, Abou Jihad --de son vrai nom Khalil al-Wazir-- avait été tué par des commandos israéliens à Tunis.
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