L'Afrique du Sud toujours divisée 20 ans après la fin de l'apartheid

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JOHANNESBOURG (AFP) - (AFP)

Les habitants de Thokoza, un township pauvre de la périphérie de Johannesburg, n'y sont plus confinés par les lois de l'apartheid, qui ont été formellement abrogées il y a vingt ans, le 30 Juin 1991.

Mais un gouffre de différences sociales, d'éducation et de culture les sépare toujours du reste de la métropole sud-africaine.

Ce fossé existait déjà quand le photojournaliste Greg Marinovich y a reçu une balle dans la poitrine, alors qu'il couvrait les violences qui ont éclaté dans les derniers jours de domination de la minorité blanche.

"Physiquement, (le township) n'a pas beaucoup changé.J'y vais assez régulièrement, et il a toujours le même aspect.Les gens vivent toujours dans des conditions très similaires", a-t-il raconté à l'AFP.

"Les +hostels+ (logements pour les travailleurs migrants célibataires, ndlr) sont toujours sombres, terribles et sales.Les bidonvilles sont toujours des bidonvilles."

Greg Marinovich fut un membre du "Bang-Bang Club", un groupe de photojournalistes sud-africains qui s'illustrèrent en couvrant les affrontements entre le Congrès national africain (ANC) et le parti zoulou de l'Inkatha, qui ont enflammé les townships sud-africains à la fin des années 1980 et au début des années 1990.Il a reçu le prix Pulitzer en 1991.

Avec ses trois confrères --dont un fut tué pendant les événements--, il est aujourd'hui le héros d'un film qui a été présenté au festival de TriBeCa, à New York, en avril.

Leurs photos ont attiré l'attention sur une violence qui était à l'époque décrite comme un conflit entre Noirs, mais qui, a-t-on appris plus tard, a été en grande partie alimentée par le régime d'apartheid.

L'Afrique du Sud fête jeudi les vingt ans de la disparition du cadre juridique de l'apartheid, avec l'abrogation de la loi de 1913 sur la terre, de celle de 1966 sur les groupes raciaux, de celle de 1984 sur le développement des collectivités noires, et d'autres textes qui séparaient les Blancs des Noirs.

Pour le photographe, comme pour les combattants du township qu'il a immortalisés, le bilan est plus que mitigé.

A Thokoza, les jeunes ne combattent plus pour l'ANC ou l'Inkatha.Ils passent maintenant leurs journées à jouer au cartes ou à soulever des poids pour lutter contre l'ennui, dans ce pays où un travailleur sur quatre est au chômage.

Un hostel est couvert d'affiches électorales crasseuses, héritage de la campagne pour les municipales du 18 mai."Ensemble, nous pouvons construire de meilleures collectivités", dit le slogan de l'ANC à côté d'un président Jacob Zuma souriant.

"Ils nous font pour voter, ils disent de voter pour l'Inkatha ou l'ANC, qu'ils peuvent rendre notre vie meilleure.Mais après avoir voté, vous ne pouvez pas rien dire.Vous ne recevez rien", se plaint David Hlatshwayo, 21 ans, un bachelier qui ne trouve pas d'emploi.

La démocratie a vu la montée d'une classe moyenne noire, et certains townships comme Soweto sont progressivement devenus des quartiers presque normaux, avec des centres commerciaux et des cinémas.

Le gouvernement ANC a construit 2,3 millions de foyers, étendu les réseau d'aduction d'eau et d'électricité.Mais près d'un Sud-Africain sur quatre vit toujours dans un bidonville, et un sur cinq n'a pas de courant chez lui.

Samson Mdlalose, un partisan de l'Inkatha de 55 ans qui a été blessé à la jambe pendant "la guerre des townships", juge que la démocratie l'a oublié, lui et ses voisins.

"Depuis que Nelson Mandela est sorti (de prison), les hostels sont restés pauvres, affirme-t-il.

"Il n'y a pas d'emplois...Toute l'Afrique du Sud a faim."

Pour Greg Marinovich, la démocratie n'a pas encore guéri les profondes divisions du pays.

"Avant il y avait des classes fondées sur la race.Maintenant il y a des classes fondées sur la classe.Je suppose que c'est normal, nous devrions être reconnaissants", dit-il.

"Mais pour les pauvres c'est toujours une vie de merde.Ces gens se sentent trahis.Et ils ont été trahis, ils sont trahis."

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