A l'origine du trouble, un décret promulgué le 28 mars par le président nigérian Muhammadu Buhari, auquel a succédé en mai Bola Ahmed Tinubu, qui confère la propriété des oeuvres rapatriées au "Oba de Benin", et non à l'Etat nigérian.
Ce chef traditionnel est l'héritier du souverain qui régnait sur ce royaume (du sud-ouest du Nigeria) au moment où les bronzes ont été volés, lors d'une expédition coloniale britannique à la fin du 19e siècle.
"En tant que propriétaire d'origine", le "Oba" (le roi) "doit être responsable de la gestion de tous les lieux où les objets rapatriés sont domiciliés", indique ce décret.
Lorsque Berlin est parvenu à un accord sur le retour d'environ 1.100 bronzes provenant de 20 collections et musées allemands, les deux pays ont convenu de l'importance de rendre les œuvres accessibles au public.
Il est prévu que les bronzes soient exposés dans un nouveau musée à Benin City, dans le sud de l'Etat d'Edo.
Qu'en sera-t-il en vertu du décret présidentiel ?
- Pas de conditions -
Les autorités de la région de Saxe exigent des clarifications et ont mis sur pause les démarches de restitution.La Saxe possède encore 262 bronzes béninois dans ses musées, la deuxième plus grande collection d'Allemagne.
La région allemande souhaite voir "quel est l'effet de ce décret (...) et comment le nouveau gouvernement va procéder".
Avant cela, "nous n'entreprendrons aucune nouvelle démarche", a indiqué à l'AFP un porte-parole du ministère de la Culture de cet Etat.
Une réaction accueillie avec agacement par la ministre fédérale de la Culture, Claudia Roth.
"Ce qu'il advient des bronzes maintenant, c'est au propriétaire actuel d'en décider, et c'est l'Etat souverain du Nigeria", a-t-elle déclaré à la chaîne ZDF.
"La restitution des bronzes de Benin au Nigeria n'était pas soumise à conditions", dit aussi un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Christopher Burger.
Mais de rappeler combien il est "important que le public continue à avoir accès aux bronzes de Benin après la restitution".
Le débat dépasse la question du lieu où les objets seront exposés, écrit le journal allemand FAZ.
"Lorsque les œuvres d'art sont privatisées, leur interprétation devient également privée", estime le quotidien libéral, pointant les recherches historiques selon lesquelles l'ancienne famille royale de Benin "n'était pas la moins impliquée dans la traite des esclaves, dont bénéficiaient non seulement les puissances européennes, mais aussi les élites locales".
Le journal met ainsi en garde contre la tentation de gommer ce aspect pour présenter un récit historique glorieux du contexte dans lequel les bronzes ont été créés.
- Propagande -
Ces craintes irritent le président de la Fondation du Patrimoine prussien Hermann Parzinger, chargé du musée ethnologique de Berlin : "Voulons-nous vraiment revenir à l'attitude des années 1970, lorsque nous, Européens, assimilions le retour des biens culturels à l'Afrique à la perte, à la destruction et à la vente ?" a-t-il écrit début mai.
Son musée possède 530 objets historiques provenant de l'ancien royaume béninois, dont 440 bronzes, considérés comme la plus importante collection après celle du British Museum de Londres.
Au Nigeria, le président de l'agence gouvernementale en charge du retour des oeuvres pillées, Abba Isa Tijani, souhaite apaiser le débat.
"Nous voulons rassurer nos partenaires, les musées en Europe (...) les objets seront accessibles aux chercheurs, au public et aux touristes (...) et ne pourront pas être vendus", affirme-t-il à l'AFP.
Quant à la construction du musée de Benin City, elle "continue".
"La famille royale Oba de Benin compte sur ce musée, rien n'a changé, puisqu'il n'a pas l'expertise et le personnel pour gérer le musée", a-t-il poursuivi.
Peju Layiwola, historienne de l'art et artiste au Nigeria, très impliquée dans la bataille pour le retour des bronzes, fustige une "propagande qui consiste à dire que les objets seront perdus".
Elle rappelle que l'Oba a toujours "clairement" indiqué qu'un musée serait créé.
Tout cela n'est qu'une "excuse pour ne pas rendre les objets, dit-elle, car ils ne veulent pas les rendre".
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