"Aujourd'hui, comme vous pouvez le constater, toute opposition, toute opinion indépendante, ou l'exercise des droits politiques dans le cadre de la loi et d'une manière pacifique, sont devenus un crime passible de prison", a déclaré à la presse Ahmed Nejib Chebbi, 78 ans, président du Front de Salut National (FSN), principal bloc d'opposition en Tunisie, avant son interrogatoire qui a duré trois heures. Laissé en liberté, M. Chebbi s'est interrogé sur les raisons de sa comparution: "pour être puni de quoi? de mon droit de penser librement, de m'exprimer librement et d'agir légalement mais librement". Désormais, a-t-il dit, "dans la Tunisie de Kais Saied, la place des hommes libres est en prison". M. Chebbi, opposant historique des régimes de Habib Bourguiba (1956-1987) et de Zine El Abidine Ben Ali (1987-2011), a accusé M. Saied d'avoir "détruit toutes les institutions" et de "s'attaquer maintenant aux droits et libertés des citoyens". Depuis février, les autorités ont arrêté et emprisonné une vingtaine d'opposants parmi lesquels plusieurs ex-ministres ainsi que des hommes d'affaires et le patron d'une radio locale privée, libéré sous caution depuis. Le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, est également détenu depuis la mi-avril pour avoir affirmé que la Tunisie serait menacée d'une "guerre civile" si les partis de gauche ou ceux issus de l'islam politique comme Ennahdha y étaient éliminés. M. Saied, qui s'est octroyé tous les pouvoirs depuis le 25 juillet 2021, a qualifié les personnalités emprisonnées de "terroristes", les accusant de "complot contre la sécurité de l'Etat". Cette vague d'arrestations a été décrite par Amnesty International comme une "chasse aux sorcières motivée par des considérations politiques". "Les détenus dans cette affaire ont été interrogés sur leurs rencontres et échanges téléphoniques avec des diplomates étrangers, d'autres sur des interviews accordées à des médias", selon Amnesty. Dans un nouveau communiqué début juin, l'ONG a dénoncé la convocation en justice de M. Chebbi, "sur (la base) d'accusations infondées de complot" comme "un nouveau recul pour les droits de l'homme", et a appelé les autorités "à abandonner l'enquête et libérer les détenus".
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