Novembre 2021. Après plus d'un siècle au musée du Quai Branly, les vingt-six trésors royaux spoliés au XIXe siècle faisaient leur retour au Bénin.
Pour présenter ces œuvres aux Béninois, une exposition avait été organisée au palais présidentiel, la Marina. Elles ont ensuite été exposées au Maroc. Elles sont désormais conservées à la présidence.
"Les écoles organisaient des excursions dans les musées et on pouvait constater l'absence de ces œuvres. On nous montrait des photos mais on ne nous précisait pas comment les œuvres s'étaient retrouvées en France", se rappelle Joséa Guedje.
La jeune doctorante en économie, fait partie des jeunes béninois qui débattent dans le film documentaire de Dahomey, de Mati Diop, avec Gildas Adannou, assistant réalisateur et doctorant en études cinématographiques, et Habib Ahandessi, activiste politique.
Habib Ahandessi, Joséa Guedje et Gildas Adannou
Avant que le retour des vingt-six trésors royaux au Bénin ne se concrétise, les questions autour de la restitution n'étaient pas au cœur de leurs préoccupations, en particulier pour Joséa et Gildas. "Je n’étais pas habitué à la question mais on en parlait quand j’étais en école d’art .", raconte Gildas. Lorqu'il assiste à un débat sur la restitution, pour y faire une captation, il ne se sentait pas "connecté à ces histoires".
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Quant à Habib, militant panafricain dans l'âme, les débats autour de la restitution ont toujours occupé son esprit. "Je suis "accroché" à l’histoire du Bénin, à l'histoire des quatorze rois d’Abomey", souligne-t-il.
L'exposition des trésors royaux a suscité chez le jeune homme beaucoup de fierté. "On savait que nos ancêtres étaient de grands ingénieurs mais à ce point ?", s'exclame-t-il. Un enthousiame partagé par Franck Ogou, directeur de l'École du patrimoine africain (EPA).
Désormais, pour le directeur, le Bénin doit se réapproprier son histoire. "Les œuvres ont été retirées à une époque où il n'y avait pas d'études sur les objets. Quand elles sont arrivées en France, il y a eu de la documentation mais est-ce que ça répondait vraiment à notre contexte, notre histoire ? C’est un travail que l’EPA est en train de faire pour rendre l’information juste sur ces vingt-six objets", explique-t-il.
Avec l'Agence française de développement, l'EPA va également réfléchir, pendant trois ans, à la mise en place d'un cadre juridique qui structurera la restitution des biens culturels.
"La restitution des vingt-six œuvres n'est qu'une étape"
Patrice Talon avait déclaré, en novembre 2021, lors d'une conférence de presse conjointe avec Emmanuel Macron, "que la restitution de vingt-six œuvres, n’est qu’une étape dans le processus ambitieux d’équité et de restitution des patrimoines mémorielles extorqués, jadis, au royaume du territoire du Bénin, par la France.”
Voulant développer l'activité touritstique dans le pays, notamment en valorisant ses cultures et son patrimoine, le gouvernement béninois a décidé d'investir 600 milliards de francs CFA.(915 millions d'euros).
En 2021, l'Agence française de développement a décidé de financer à hauteur de 35 millions d'euros (23 milliards de francs CFA), la réhabilitation de quatre Palais royaux et à la construction du musée des Rois et des Amazones du Dahomey, où seront exposées les trésors royaux, à Abomey.
"Il y a un marché qui se crée autour des vingt-six œuvres", souligne Franck Ogou. Mais comme Habib, Josea et Gildas, il s'interroge sur la suite : les gouvernements qui se succèderont en France et Bénin, continueront-ils ce qui a été entrepris ? "Les Africains n’ont plus d'autres choix que de s’intéresser à leur patrimoine et en prendre soin", insiste Franck Ogou.
Pour Gildas Adannou, "les gouvernements ont tout intérêt à continuer" ce qui a été mis en place. Comme Habib et Joséa, pour que le travail, la réflexion autour de la restitution du patrimoine béninois, et africain à plus grande échelle, perdure, il juge nécessaire de sensibiliser les générations futures à ce sujet."C'est notre combat", renchérit Habib Ahandessi.
Tous trois regrettent que, depuis la fin de l'exposition au palais présidentiel, il n'y ait plus de débats sur le sujet. "Hormis les artistes et ceux qui s’y intéressent, le reste de la population n’est pas suffisamment impliquée dans ce débat-là", analyse Habib. "Tout passe par l'éducation. Il faut apprendre aux jeunes l'histoire des quatorze rois d'Abomey, pour que ça suscite la curiosité ", ainsi, ils inciteront leurs parents à les accompagner au musée, afin qu'ils connaissent leur histoire. “Un peuple qui n’a pas de culture, c’est un peuple sans âme", souligne-t-elle.
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