Lina Chawaf a pleuré de joie en apprenant la chute du régime de Bachar al-Assad : “J'étais très heureuse bien sûr et à la fois très surprise. Je ne m’attendais pas à ce que le régime tombe aussi rapidement", déclare la journaliste, originaire de Damas. Elle a appelé dimanche 8 décembre ses proches restés en Syrie pour avoir des nouvelles : “Nous avons pleuré ensemble ! Le dictateur Assad n’est plus le maître du pays. Quelle joie immense !” ajoute-t-elle.
Des années de répression féroce
Le conflit syrien a commencé par des manifestations pacifiques dans le sud du pays début 2011. Ce mouvement était inspiré par les protestations du printemps arabe en Tunisie et en Egypte. La population syrienne s’était levée pour demander des réformes politiques, la primauté du droit et de la liberté et pour s’opposer à la nature arbitraire et corrompue du régime Assad. Les autorités ont utilisé la violence pour couper court aux manifestations dans la ville de Daraa, en mars 2011. En réponse, les soulèvements se sont étendus à d’autres parties du pays. Les manifestants réclamaient alors la démission du président Bachar al-Assad. Le gouvernement a eu à nouveau recours à la force pour réprimer les soulèvements populaires. Des centaines de personnes ont perdu la vie et ont été arrêtées.
"J'ai le sentiment que le futur n'est pas très clair"
A Damas, Lina Chawaf travaillait au sein d’une radio, Arabesque. Refusant de faire de la propagande pour le régime à l’antenne, elle est alors menacée par les autorités et décide de s’exiler en France, laissant une partie de sa famille à Damas. Elle continue de travailler en France comme journaliste, et fonde une radio locale à Paris, Rozana, en 2013 “le média libre des citoyens syriens”, selon Lina Chawaf.
Lina Chawaf/ crédit Abdulsalam Jarroud
Aujourd’hui, le nouveau Premier ministre en charge de la transition en Syrie, Mohammed al-Bachir, promet "stabilité" et "calme" au peuple syrien épuisé par plus de12 ans de guerre. Lina Chawaf se pose beaucoup de questions concernant l’avenir du pays : “J’ai le sentiment que le futur n’est pas très clair pour les Syriens. Cependant, on peut retourner dans notre pays, on peut travailler de nouveau sur place”, affirme t-elle.
"Je n'arrivais pas à dormir"
Abdulrazak Aljumaa a aussi été journaliste en Syrie avant que n’éclate la révolution de 2011. Originaire de Homs, il prend part à aux manifestations contre le régime. Blessé, menacé par le régime de Bachar al-Assad, il quitte la Syrie en 2015, et s’installe en France. Abdulrazak Aljumaa a perdu l’usage de ses yeux. Il travaille aujourd’hui comme traducteur à Paris au sein de l’association Revivre, qui vient en aide aux réfugiés : “Les derniers jours avant la chute du régime de Bachar al-Assad, je n’arrivais pas à dormir. J’étais suspendu tous les jours avec des proches au téléphone pour suivre la progression des rebelles. Je n’arrivai pas à réaliser ce qui se passait ! Quand Bachar est tombé, j’étais heureux et soulagé. Je me disais : enfin on a réussi. Il n’y a plus le bourreau de Damas et son régime répressif, on a récupéré notre pays ! " déclare Abdulrazak Aljumaa.
"En Europe, on ne voit que des islamistes"
Concernant l’avenir du pays, Abdulrazak Aljumaa se veut optimiste : “Les rebelles qui ont fait tomber le régime ne sont pas les rebelles de 2011, ils sont plus organisés. Il y a un Premier ministre chargé de la transition pour préparer l’avenir. Cependant je suis déçu par une chose : la presse en Europe, aux Etats-Unis, ne parle que des djihadistes, des islamistes de HTS. Moi, je suis en contact avec beaucoup de Syriens sur place qui disent que HTS n’est qu’un groupe armé parmi les vingt organisations de la rébellion. Ici en Europe, on ne voit que des islamistes. Pour nous, ce sont des libérateurs” ajoute -t-il.
"Bachar al-Assad doit rendre compte pour ses crimes"
Les islamistes sont une force parmi d’autres, ajoute Abdulrazak Aljumaa qui n’envisage pas, pour l’instant, de retourner en Syrie. Pas de retour immédiat à Damas non plus pour Lina Chawaf qui n’exclut pas cependant d’effectuer bientôt un séjour pour voir sa famille et effectuer des reportages pour Rozana.
Abdulrazak Aljumaa et Lina Chawaf souhaitent, comme des milliers de Syriens, que Bachar al-Assad soit jugé devant un tribunal syrien ou international : “Il doit rendre des comptes pour ses crimes. Des millions de Syriens ont été tués par ce régime”, déclare Lina Chawaf. "Je sais que des avocats syriens, et même français, travaillent à récolter des preuves pour juger un jour Bachar al-Assad et tous les complices de ce régime”, ajoute Abdulrazak Aljumaa
Ecoutez Lina Chawaf et Abdulrazak Aljumaa
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