Un silence de cathédrale règne rue Pasteur à Vitry-sur-Seine. Sauf si l’on tend l’oreille. Des notes de musique s’échappent d’une des maisons de la rue. En se laissant guider par la musique, on tombe sur une maison transformée en lieu de vie accueillant diverses associations et événements.
À l’intérieur, une dizaine de personnes assistent à un stage de kora.
Parmi les korafolas - nom donné aux joueurs de kora - en herbe, il y a des femmes et des hommes venus de tous horizons, de différents niveaux. Mais tous sont passionnés.
“ Quand on s'assoit à côté de l’instrument, puis il y a une larme qui coule sans que l’on sache d’où ça vient, on se dit : ça c’est magique”, explique Isabelle, 57 ans, qui décrit la première fois qu'elle a entendu le son produit par une kora. Elle a commencé à jouer de cet instrument, il y a un an.
Enseignante de profession, elle découvre la kora au Burkina Faso, où elle a vécu pendant dix ans. Elle y a même créé un groupe de musique dans lequel elle ne s'illustre pas encore en tant que korafolla mais en tant que chanteuse.
C’est une collaboration avec une famille de griots qui lui donne envie de se lancer et de jouer de la kora. Une envie qu’elle avait un moment enfouie. “J’ai acheté ma kora en revenant en France, parce que je respecte beaucoup la culture et je me suis dit comme je chante dans le groupe et qu'il y a des meilleurs joueurs que moi, je ne me donnais pas l'autorisation. Mais là, je me la suis donnée”, explique-t-elle.
“Même si nous sommes des griots, nous sommes aussi fiers de transmettre ça à toute personne passionnée par la kora, qui a envie de s’améliorer”, explique Mamadou Cissoko, cofondateur de l’association Korafollart. Il est le descendant d'une famille de griots et la pratique de la kora est une affaire de famille.
Il apprend dès l'âge de neuf ans à fabriquer ses propres koras. "C'est la première chose que les parents t'apprennent".
La kora, un instrument ancestral
La légende raconte que l’instrument appartenait d’abord à une femme-génie, vivant dans une grotte, avant qu’il ne le lui soit dérobé par un chef de guerre qui le confiera à un de ses djélis.
Avant de mourir, le griot donne la kora à son fils. Et c’est ainsi qu’est née la tradition de transmettre cet instrument de père en fils.
Pour Mamadou, la démocratisation de l’apprentissage de la kora est, pour lui, une richesse. “Je pense qu'aujourd'hui nous sommes dans un monde ouvert et il faut l'accepter”, ajoute-t-il.
Un avis que partage son frère, Bâ Cissoko. C’est lui qui, en compagnie d’un autre joueur, Séfoudi Kouyaté, dispense le cours du jour. Pour lui, il faut faire la différence entre le griot, qui raconte des histoires avec l'accompagnement d'un instrument, qui n'est pas forcément la kora et le musicien.
“Tous les joueurs de kora ne sont pas forcément des djélis (griots), explique-t-il. On dit que les vrais djélis ce sont les Kouyaté et leur instrument à eux c’est le balafon. La kora, elle, est jouée par les Cissoko, notre famille, et les Diabaté aussi”, détaille-t-il.
Tantôt debout, tantôt assis, le maître observe et corrige ses élèves d’une journée en train de jouer le morceau qu’il leur a appris : Mamadou Bitiki, un chant traditionnel mandingue. “Je vois des débutants qui sont là. Parfois on les isole dans un coin parce que quand tout le monde joue en même temps, ça les perturbe un peu”, explique le maître.
Durant le cours, chacun va à son rythme. “C’est ré, non c’est mi”, “J’ai le premier, mais pas le deuxième”, peut-on entendre entre quelques notes.
Georges, comme la plupart de ses camarades, est obligé de tendre l’oreille vers sa kora pour s’entendre jouer. L’homme âgé d’une trentaine d’années est venu de la Sarthe pour assister au stage. Il a commencé à jouer de cet instrument en autodidacte, il y a deux ans.
S’il connaît bien le morceau joué pendant ce cours, pour lui c’est le retour à la case départ. “Juste avant de venir, je travaillais depuis deux semaines sur une version de la chanson qui n’a, au final, rien à voir, dit-il en riant. Au moins on a appris les bases et puis quand on est seuls on peut mélanger les versions et faire à sa sauce aussi” conclut-il avec philosophie.
“Apparemment il y a un proverbe qui dit qu’un korafola passe autant de temps à accorder son instrument qu’à en jouer”
Sa passion pour l’instrument lui est venue par hasard et ne l’a jamais quittée depuis. Aujourd'hui, il possède trois koras. Mais il prévient : ces instruments demandent une attention constante. “Apparemment il y a un proverbe qui dit qu’un korafola passe autant de temps à accorder son instrument qu’à en jouer”.
Pour le stage, il est venu avec une kora traditionnelle, trouvée sur un site de commerce en ligne. “On peut trouver des koras traditionnelles à 40, 50, 100 euros”, détaille-t-il.
Comme Georges, la plupart sont venus avec leur instrument personnel. Grandes, petites avec des motifs différents, certaines koras sont traditionnelles mais d’autres ont investi dans des koras plus modernes, qui peuvent valoir un millier d’euros.
Il est 16h et la fin du cours, fixée à 17h, approche. Après une journée à avoir appris Mamadou Bitiki et Jarabi, pour certains il est déjà l'heure de quitter le cours. Ceux qui sont encore de la partie se laissent aller à une pause café.
D'autres continuent de jouer pour le plus grand plaisir de leurs camarades, qui se mettent à danser et chanter au rythme de la musique.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.