Restitution des biens culturels spoliés pendant la colonisation : "Je crois que l'Unesco a fait son travail de mettre ce sujet dans les grandes rencontres mondiales"

Actus. L’Unesco a organisé, lundi 27 janvier, une conférence concernant la restitution des biens culturels spoliés pendant la colonisation, en présence de 54 représentants de chefs d’États africains. Ernesto Ottone, sous-directeur général pour la culture de l'Unesco était l'invité de la matinale de ce vendredi 27 janvier.

Restitution des biens culturels spoliés pendant la colonisation :  "Je crois que l'Unesco a fait son travail de mettre ce sujet dans les grandes rencontres mondiales"
Ernesto Ottone, sous-directeur général pour la culture de l'Unesco - Romina Santarelli / Ministère de la Culture du Chili

Écoutez Ernesto Ottone, sous-directeur général pour la Culture de l'Unesco

Lundi 27 janvier, l'Unesco a réuni en Éthiopie les représentants des 54 pays africains pour discuter de la restitution des biens culturels spoliés lors de la colonisation. Qu'est-ce qu’il s'est dit durant cette journée et quelles ont été les grandes idées qui ont émergé ?

Il y a sept ans, nous avions organisé une réunion dont je me souviens bien. À l’époque, le président du Bénin, Patrice Talon, était venu. Aujourd’hui, on constate que la discussion a évolué, et je dirais même favorablement, en faveur d’un véritable dialogue entre les pays d’origine et ceux où se trouve la majeure partie du patrimoine africain, qui a été, dans de nombreux cas, spolié ou dérobé sur le continent.

Cette réunion a été marquante, d’abord parce qu’elle s’est tenue à Afrikahoo, un lieu historique en Éthiopie. C’est là qu’a eu lieu la première réunion ayant conduit à la création de ce qui allait devenir l’Union africaine. Ensuite, elle a rassemblé pour la première fois les 54 pays du continent afin de discuter sur la base de nouveaux modèles de coopération, qu’ils soient bilatéraux ou multilatéraux, autour d’exemples réussis de restitution de biens culturels.

L’échange a été particulièrement riche. Il a permis de faire le point sur les avancées, d’identifier les défis restants—qui sont encore nombreux—et, surtout, d’instaurer un dialogue entre les différents pays africains, chacun étant à un stade différent dans cette démarche de restitution.

La question des restitutions est à la fois politique, académique et institutionnelle, mais elle est avant tout culturelle et sociétale. Les pays africains sont-ils aujourd’hui prêts à accueillir le retour de leurs œuvres ? Et souhaitent-ils tous voir leurs biens revenir sur leur sol ?

Tous les pays souhaitent la restitution des biens essentiels à leur histoire. C’est une revendication universelle, qui ne concerne pas uniquement les pays africains. Sur ce point, il n’y a aucun doute. Cependant, comme vous l’avez mentionné, certains pays estiment qu’ils doivent d’abord réunir les conditions nécessaires, notamment pour étudier ces objets, dont beaucoup restent méconnus.

Ces pièces ont été retirées de leur contexte d’origine il y a parfois plus de 100 ans, 60, 70, voire 140 ans. Cela soulève la question des conditions de conservation et d’exposition. 

Toutefois, de nombreux experts présents ont insisté sur la nécessité de repenser cette approche. En effet, le fait qu’un objet soit aujourd’hui exposé dans un musée occidental sous certaines conditions ne signifie pas qu’il se trouvait initialement dans un musée. 

À l’époque, ces institutions n’existaient pas sous leur forme actuelle dans de nombreux pays d’Afrique.

Il s’agit donc avant tout d’une décision qui revient aux communautés concernées : où ces biens doivent-ils être réintégrés ? Dans certains cas, leur place est dans des espaces publics.

Il s’agit donc avant tout d’une décision qui revient aux communautés concernées : où ces biens doivent-ils être réintégrés ? Dans certains cas, leur place est dans des espaces publics.

Beaucoup de ces objets ont été soustraits à un espace public, et ce que les communautés réclament, c’est leur retour dans ces mêmes espaces, indépendamment des considérations muséographiques ou des préoccupations sur les conditions environnementales.

Pour certains experts, cette décision appartient aux communautés elles-mêmes. Ces objets ne sont pas seulement des artefacts historiques ; ils ont une valeur symbolique et religieuse. Il est donc essentiel de débattre : doivent-ils retourner à leur emplacement d’origine ou être placés dans de nouveaux musées en cours de construction ?

Ne faudrait-il pas également organiser des discussions qui réunissent non seulement les représentants des États africains, mais aussi les pays qui détiennent ces biens spoliés ?

Oui, chaque pays possède ses propres cadres législatifs sur la question des restitutions, mais des avancées significatives ont eu lieu ces dernières années, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne.

Nos conférences s’appuient sur des exemples concrets de restitution. Lors de cette rencontre, nous avons étudié sept cas précis, non pas sept objets isolés, mais bien sept processus de restitution. Par exemple, dans un échange entre le Maroc et le Chili, ce sont près de 189 pièces paléontologiques qui ont été restituées.

Nous avons invité plusieurs directeurs de musées, venant notamment des États-Unis, de la Finlande et du Chili, afin d’élargir le débat. 

L’enjeu dépasse largement les seules modifications législatives : il s’agit aussi d’un débat national et international sur la signification même de ces restitutions. 

Ce processus ne se limite pas à rendre un objet à son pays d’origine. Il constitue également une reconnaissance du fait que ces biens ont été acquis dans des conditions qui ne respectaient pas une vision éthique du partage des connaissances, des cultures et des identités.

C’est ici qu’émerge un véritable enjeu de fond. Et, comme vous le soulignez, ces rencontres favorisent un dialogue essentiel entre le “Nord et le Sud” sur cette question cruciale. 

 



Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

En direct
Les rendez-vous santé
Nos applications
Facebook
Twitter
Instagram
Restitution des biens culturels spoliés pendant la colonisation : "Je crois que l'Unesco a fait son travail de mettre ce sujet dans les grandes rencontres mondiales"