Kafui Aguéou-Kossi : une cheffe engagée qui fait dialoguer les cultures à travers sa cuisine

Actus. Kafui Aguéou-Kossi, cheffe d'origine togolaise, a ouvert il y a cinq mois son restaurant, Le Kilimandjaro, à Paris. Après des études en communication, elle est revenue à sa passion : la cuisine. Elle a fait ses armes auprès de grandes maisons parisiennes et propose aujourd'hui une cuisine de voyage, née de rencontres et de différentes inspirations. Elle était l'invitée de la matinale du vendredi 7 février.

Kafui Aguéou-Kossi : une cheffe engagée qui fait dialoguer les cultures à travers sa cuisine
La cheffe Kafui Agueou Kossi - Keisha Mougani

Écoutez la cheffe Kafui Aguéou-Kossi

Vous êtes une cheffe originaire du Togo et vous avez ouvert, il y a cinq mois, votre restaurant Le Kilimandjaro, à Paris. La cuisine a toujours été votre passion ; la légende raconte même que vous cuisinez depuis l'âge de six ans. Pourtant, vous avez d'abord fait des études de communication avant de revenir à votre premier amour : la cuisine. Pourquoi ?

Je cherchais un métier utile au quotidien, dont on aurait toujours besoin. Je me suis dit que, dans le monde actuel où tout va très vite, on peut faire des études pour un métier qui, demain, n’existera peut-être plus.

J'avais envie de me lancer dans quelque chose qui dure dans le temps, mais aussi qui corresponde à ma personnalité. Comment dire… J’aime faire beaucoup de choses, j’aime le changement, et surtout, je ne veux pas m’ennuyer.

La cuisine me permet de développer ces compétences, et elle m’offre aussi la possibilité de voyager, ce que j’adore.

Vous avez été cheffe itinérante et êtes également passée par de grandes maisons parisiennes. Que retenez-vous de votre expérience dans ces établissements ?

Ce n'est pas forcément ce qu'on voit à la télé. Il y a beaucoup de nettoyage, de rangement et d'organisation. Cuisiner, ce n'est pas seulement préparer des plats, prendre sa cuillère et goûter. C'est aussi faire preuve de rigueur, avoir l’envie de découvrir et de faire découvrir aux autres. C’est accepter la transmission du savoir et, à son tour, vouloir le transmettre.

Et aujourd’hui, au Kilimandjaro, votre restaurant, on retrouve à la carte des saveurs, des plats et des ingrédients emblématiques de la cuisine africaine : banane plantain, manioc, igname, sauce dja, sauce mafé, déclinés sous diverses formes. Par exemple, le mafé est revisité sous forme d’arancini, et vous avez nommé cette création le "Mafécini". Comment imaginez-vous les associations ?

Ces associations naissent de rencontres. L’arancini, par exemple, est né de mon expérience avec un chef nommé Luca, avec qui j’ai travaillé juste avant de commencer à voyager.

À ce moment-là, je ne savais pas encore quel type de cuisine, je voulais faire. Dans le petit restaurant où nous travaillions, Luca préparait souvent des arancini. Un jour, je me suis dit : Et si j’y mettais du mafé ? Et si l’Italie et le Mali s’unissaient pour créer quelque chose d'unique ?

Pour moi, j’ai simplement pris le meilleur de chaque culture pour les associer. C’est comme si une mama italienne et une mama malienne se rencontraient pour imaginer un plat ensemble.

À la carte de votre restaurant, on retrouve une véritable cuisine fusion. Nous avons parlé des associations entre l’Afrique et l’Europe, mais il y a aussi des influences du Moyen-Orient,  et même des inspirations venant de tous les continents. Quels en sont les avantages et les inconvénients de faire une cuisine fusion ? 

Je ne suis pas sûre que j’appellerais ma cuisine "fusion". Je la considère plutôt comme une cuisine de rencontre, une cuisine de voyage. Du coup, je n’ai pas de limites.

Ce qui est vraiment chouette, c’est qu’à chaque fois que j’arrive quelque part, que je rencontre quelqu’un de nouveau, ou que quelqu’un me raconte son histoire, cela me donne envie de créer de nouveaux plats. Pour moi, il n’y a pas de frontières ; c’est pour cela que je préfère parler de cuisine de rencontres, une cuisine de voyage, plutôt que de cuisine fusion.

Comment vous fournissez-vous ?

Pour certaines matières premières, comme les fleurs qu’on utilise pour décorer les plats ou ajouter du goût, nous allons chez Paysan Urbain dans le 20ᵉ, une petite ferme urbaine. Pour tout ce qui est produits laitiers, on se fournit essentiellement en bio.

Quant aux produits africains, nous privilégions les coopératives, car bien que ces produits viennent de loin, j’essaie de limiter l'empreinte carbone. Étant sensible aux questions écologiques, je fais particulièrement attention à la provenance de mes produits. Et si cela peut aussi aider des associations, c’est encore mieux.

Vous venez de le dire, vous êtes très impliquée sur les questions d’écologie. Est-ce que pour vous, cuisiner est aussi un acte politique ?

C’est la base de ma manière de cuisiner. J’ai commencé à être cuisinière il y a des années, d’abord parce que j’aimais ça. Puis, un événement marquant a bouleversé ma vie, et je me suis rendue compte que les gens ne comprenaient pas d’où je venais. Pour moi, la cuisine est un moyen de partager les cultures, de transmettre les saveurs de mon continent et, à travers elles, de montrer qui je suis. C’est aussi un moyen de parler de sujets qui me tiennent à cœur.

Par exemple, le "Mafécini" n’est pas anodin, tout comme "l’Abidjan-Beyrouth". Les associations culinaires que je propose ne sont pas toujours seulement des expériences gustatives, elles peuvent aussi être des actes politiques. Ce n’est pas juste une question de nom, c’est un message. Le "Mafécini" ou "l’Abidjan-Beyrouth", par exemple, sont des actes politiques à leur manière.

Nous savons très bien qu’il y a énormément de gens qui quittent l’Afrique de l’Ouest pour arriver sur les plages italiennes ou espagnoles. Mon but est de montrer qu’en nous rencontrant davantage, en nous acceptant au lieu de nous repousser, nous pourrions créer quelque chose de beau et de constructif ensemble.

 

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