Entretien du groupe "Imparfait"
Journaliste : Aujourd'hui, nous accueillons le groupe de rock alternatif “Imparfait”, un duo avec une énergie magnétique, Prisca la chanteuse et Bruno, le bassiste. Votre dernier morceau, “Glitch I”, est sorti mercredi 15 janvier. Avant de parler de votre univers, j'aimerais revenir sur les origines de votre groupe.
Pourquoi avez-vous choisi ce nom?
Prisca : C'est apparu après de nombreux noms. En fait, on a cherché pendant très longtemps et ce truc là (Imparfait) est venu assez instinctivement. J'ai donné plein de petits noms comme ça. Et puis "Imparfait" est apparu et ça nous semblait assez pertinent, parce que c'est un petit peu ce qui fait l'humain et ce qui fait la particularité de chacun et chacune d'entre nous, d'avoir des imperfections et de les assumer.
J : Qu'est ce qui vous a poussé à vous lancer dans une carrière musicale ?
P : Ouh là là! Alors, la carrière musicale? Moi j'ai fait une licence de biologie, donc rien à voir avec ça.
Mais j'ai toujours fait de la musique et j'ai toujours apprécié la musique, chanter, je voulais jouer de la batterie quand j'étais petite. Enfin, ça a toujours été quelque chose. Même à la maison, il y avait tout le temps de la musique quoi. Mon père qui écoutait de la rumba congolaise jusqu'à pas d'heure, ça m'a toujours bercée en fait.
Il a fallu que je rencontre des musiciens et musiciennes pros on va dire, qui donnaient des cours ou qui étaient musiciennes et musiciens sur la route pour me rendre compte que c'était un métier envisageable parce qu'avant, c'était pas du tout le cas.
Pour moi, c'était c'était tout ou rien. C'est à dire soit, on est Aya Nakamura par exemple, une grande star interplanétaire et on gagne de l'argent avec soit, on fait juste plus ou moins de la musique pour se faire plaisir et effectivement, on ne gagne pas d'argent avec.
J : Et toi Bruno?
Bruno : Moi en fait, j'ai commencé la musique, on va dire à l'adolescence. Avec le groupe de rock dans le garage avec les copains, le classique. Et en fait, j'ai navigué dans différents styles musicaux pendant de nombreuses années.
Je suis un enfant du rock et du métal à la base et donc je suis passé par plein de choses. D'abord le rock, le métal.
J'avais une tante qui est partie depuis mais qui m'a fait découvrir le jazz. J'ai embrassé le jazz pendant une petite dizaine d'années, de manière quasi obsessionnelle. Je ne sais pas, ça m'a bouleversé grâce à Thelonious Monk. D'ailleurs, c'est vraiment lui qui m'a mis le pied à l'étrier. On va dire ça comme ça.
Je me suis pas mal intéressé aux musiques afro de manière générale. J'ai eu un crush sur les musiques du Cameroun pendant de nombreuses années parce que c'est un pays extrêmement riche musicalement.
Et en fait, quand j'ai rencontré Prisca, voilà, au détour d'une salle de "répèt", de manière un peu inattendue, on va dire que les choses se sont mis, en tous cas pour ma part, se sont synthétisés de manière assez instinctive, sans trop se poser de questions. Et en fait, quand on a commencé à créer et à composer toutes ces choses, le rock, le jazz, le groove, les musiques afro, les musiques électroniques, la pop, tout ça, c'est mélangé de manière assez fluide. Parce que Prisca, même si elle n'a pas le même parcours que moi, comme moi, elle est mélomane et du coup elle écoute plein de trucs. Et du coup tout ça s'est synthétisé un peu naturellement.
J : Comme je le disais en introduction, vous venez de sortir le morceau "Glitch I", peux-tu me le présenter?
P : "Glitch I" parle de tous nos monstres, nos petits monstres intérieurs qu'on n'assume pas toujours. Parce qu'en fait on aime bien voir le mal chez les autres, On aime être le héros ou l'héroïne de l'histoire. Et nous, on n'a jamais rien fait de mal.
C'est un petit peu faire de l'introspection et se rendre compte que tout le monde peut avoir un petit monstre en soi et que c'est ok. Parce que en fait, tout le monde est un petit monstre en soi.
En fait, "Glitch I" qui fait partie d'une suite. Effectivement, il va y avoir un "Glitch II" qui sortira très prochainement. Il parle de comment dire…en fait de lâcher prise par rapport à des relations qui sont un peu toxiques disons.
Les personnes qui ont écouté "Glitch I" seront surpris et surprise de "Glitch II", beaucoup dans le style de musique mais mais dans les thèmes, enfin en tout cas dans la narration et dans les thèmes.
C'est à dire que si on veut sortir un morceau, on le sort. Et si on a décidé dans trois semaines de sortir un morceau, on l'enregistre parce qu'en fait on est multi-instrumentistes et on est autonomes. Le groupe a passé plein de phases différentes. On s'est dit bon, on se prend une année, on se fait kiffer à mort et on sort des morceaux comme ça.
Je suis en train de négocier pour un "Glitch III" avec Bruno.
B : La négociation est faite. Moi je suis d'accord, c'est juste qu'il faut le faire.
Une relation bâtie sur un "coup de foudre artistique"//IMPARFAIT
J : Et on va revenir un peu dans le passé puisqu'on va parler de votre votre album "Téléma" qui est sorti en 2022. Est ce que vous pouvez nous le présenter en quelques mots?
P : Alors il est très spécial parce que on l'a fait pendant le confinement et on n’a tous les deux pas très bien vécu le confinement, donc on avait besoin d'un exutoire. Telema ça veut dire debout, se mettre debout.
Donc il y a quand même cette envie d'affronter tout ce qui se passe et tout ce qui nous arrive avec une certaine énergie. Donc effectivement, cet album c'est une énergie positive, dans le désespoir on va dire.
J : Et d'où peut être, votre manière de chanter parce que vous criez souvent, est ce que c'est quelque chose qui a toujours été là à l'origine ou c'est venu progressivement?
P : La première fois que j’ai crié, c'est venu en concert, de manière très instinctive. Alors je ne sais pas si je l'ai très bien fait parce qu'il y a des techniques pour ça, mais c'est devenu de manière très instinctive (de chanter) et je me suis dit en termes de moyens d'expression, c'était le level au dessus, en termes de rage à dégager ou de désespoir ou quoi.
Je me suis dit "Oh là, c'est vraiment le palier au dessus". Et donc je voulais savoir faire ça au début, je voulais juste savoir faire ça. Et à force d'essayer de jouer un petit peu avec la voix, j'ai trouvé un petit peu, un peu ce truc. Ça me tenait à cœur dans ce projet de de pouvoir délivrer cette émotion que j'ai intérieurement et que je ne peux pas. Je ne crie pas comme ça.
B : Je confirme.
P : Dans la vie de tous les jours par exemple, je suis plutôt calme de manière générale d'ailleurs, mais
B : Je confirme également.
P : Ca permet d’exprimer des choses intérieures qu'on ne peut pas exprimer dans la vie de tous les jours, socialement parlant, parce qu'on ne veut pas faire peur aux gens.
J : Vous explorez différents thèmes dans l'album "Telema". J'y retrouve par exemple la quête de l'identité, la quête de sens, la révolte et aussi l'amour.
Ce sont des thèmes qui vous touchent personnellement?
P : Avant, on avait fait un EP qui s'appelait "Error 404" et j'avais une approche beaucoup plus extérieure. En fait, dans mon approche de l'émotion et du texte, c'est un peu comme si je me mettais à la place de certaines personnes et "Telema" c'était un peu plus introspectif dans la manière de faire, même si c'est très énigmatique on va dire au niveau des paroles. Mais il y avait quelque chose de plus viscéral, enfin plus personnel.
La quête d'identité, c'est, je pense, quelque chose partager avec beaucoup de personnes qui sont issues de l'immigration, qui ont grandi en France, qui sont nés en France et qui se retrouvent dans des états un peu de dichotomie et de recherche intérieure
Un thèmes qui est super important et qui n'est pas toujours visible et qui n’est pas toujours exprimable avec tout le monde.
Moi je sais par exemple que j'en parle énormément avec Bruno, mais c'est intéressant parce que du coup on a des parcours totalement différents et c'est un truc effectivement dont je dont parle les textes, mais j'en parle beaucoup de manière un peu détournée dans les textes.
Je suis une femme noire dans du rock et comme c'est pas très très visible, du coup c'est vrai qu'on me le renvoie. C'est à dire que moi j'y pense pas spécialement, mais on me renvoie le fait que je suis une femme noire dans du rock parce que du coup c'est pas commun et.
Et donc ça, ça participe à cette recherche d'identité et cette recherche intérieure de quelle est ma place? A quoi je sers en tant qu'artiste? Et quelle est ma place en fait, dans ce monde étrange ?
J : En 2022, vous faites la première partie du concert des Nova Twins, un duo féminin. Elle s'inspire du mouvement Afropunk et comme vous, elle mélange plusieurs genres musicaux, notamment le rock, le Hip-Hop et le Punk. Vous sentez vous proche de ce groupe?
P : Nous, on les suit depuis le début, enfin quasiment le début. On les a découvertes il y a quoi? Sept ans? Enfin je sais pas, il y a très longtemps quoi. 18 ans? Un truc comme ça?
Ouais, on les suit depuis très très longtemps donc on était super contentes de de faire leur première partie. En fait, elles sont arrivées au moment où moi j'en avais besoin.
Enfin que j'avais besoin, je ne sais pas, quelque chose qui me parle comme ça. Il n'y a pas que le fait que ce soit des femmes noires, mais aussi la musique en fait, la musique en elle-même, le type de mélange qu'elles font, ce que ça exprime.
J'en avais besoin dans le rock quoi, dans le paysage du rock de manière générale, du punk et. Et donc ça fait vachement du bien. Et en plus, ça m'a permis de découvrir plein d'autres choses en Angleterre. Mais effectivement, on les suit depuis longtemps et elles savent qu'elles représentent quelque chose parce que c'est des choses qu'on leur a déjà dit et c'est des choses qu'on m'a déjà dites aussi d'avoir des personnes qui viennent me dire merci alors que moi je ne fais que faire ma musique et kiffer ma musique.
Mais on se rend compte de ça, pas forcément quand on l'a crée ou quand on fait notre musique. Je pense que ce n'était pas leur cas au début potentiellement. Mais une fois qu'on rentre dans la scène et qu'effectivement on se reçoit des messages privés, qui me disent mais "Waouh, bah merci en fait parce que du coup ça me fait du bien de voir une personne comme ça sur scène !"
Et puis c'est là qu'on se rend compte effectivement qu'une certaine représentation, ça fait du bien. Donc c'est quelque chose qu'on porte intrinsèquement. Parce que bah de toute façon, je suis une femme noire dans le dans le rock, donc juste le fait de faire de la musique de ce genre là, c'est déjà entre guillemets politique si je puis dire. Mais c'est des c'est un, c'est quelque chose qui nous tient à cœur. Enfin moi ça me tient très très à cœur et je sais que on est, on est assez en phase dessus avec Bruno.
Des dates de concerts sont prévues pour le printemps//IMPARFAIT
B : Complètement c'est ça devrait pas. Mais en fait, c'est presque un acte politique qu'un homme blanc et une femme noire monte un groupe de rock.
Les gens parfois nous regardent en se disant mais qu'est ce qu'ils font ceux là? On fait ce qu'on veut en fait déjà (rires).
Et ouais, effectivement, c'est quelque chose dont on. Dont on parle beaucoup. Pour revenir sur les Nova (Twins), effectivement, elles ont conscience de ce qu'elles représentent à leur niveau. Et c'est formidable en fait qu'elles se servent de ça pour véhiculer certains messages et pour faire avancer la cause, et pour faire avancer justement l'art aussi bien sûr, mais les mentalités et on en a besoin.
J : Et bien merci beaucoup d'être venue Prisca et Bruno dans le studio d'Africa Radio. Vous pouvez écouter le groupe Imparfait sur YouTube, Spotify, Deezer, enfin toutes les plateformes de streaming. Et un grand merci encore d'être venu à Africa Radio.
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