Hmi, Nasdas : entre populisme et authenticité, décryptage du phénomène des influenceurs du quartier sur Snapchat

Actus. Vous ne les connaissez pas ? Pourtant, ils cumulent des dizaines de millions d'abonnés sur Snapchat et provoquent des mouvements de foule dès qu'ils sortent de chez eux. HMI, Nasdas, Golo et Ritchie sont les figures d'une nouvelle génération d'influenceurs, loin des standards des instagrameurs lisses et démagogues. Leur secret ? Une recette qui mêle vie de quartier, argent facile et une proximité qui flirte avec le voyeurisme. Mais que raconte vraiment ce succès atypique et ciblé sur notre société ?

Hmi, Nasdas : entre populisme et authenticité, décryptage du phénomène des influenceurs du quartier sur Snapchat
Nasdas et Hmi, les nouveaux héros de Snapchat. - Capture d'écran Twitter

HMI, 9,4 millions d'abonnés. Nasdas, 8,6 millions. Golo et Ritchie, en embuscade. Leur empire repose sur un modèle simple : du contenu quotidien, sans filtre (littéralement), ancré culturellement et surtout... des cadeaux en pagaille. Entre les loteries à 100 iPhones et les chasses au trésor à Dubaï, ces influenceurs ne se contentent pas de divertir, ils distribuent.

Les nouveaux patrons de Snapchat

Nasdas, par exemple, a fait de son quartier Saint-Jacques à Perpignan un plateau de télé-réalité grandeur nature. Il documente la vie de la "chienneté" – comprenez les galères du quotidien –, joue les grands frères, distribue de l'argent. Sa stratégie ? Une connexion directe avec sa communauté, bien loin des influenceurs aseptisés qui paradent sous les palmiers de Dubaï.

Son coup de maître : en 2022, il a publié en story son numéro de carte bancaire, laissant ses abonnés se servir dans un compte affichant 16 000 euros. Une expérience sociale grandeur nature, qui a surtout mis Amazon en PLS.

HMI, lui, a récemment organisé un "HMI Tour" à travers la France avec plus de 200 000 euros de cadeaux. Une initiative saluée par ses fans, mais qui inquiète les municipalités, certaines allant jusqu'à interdire ces rassemblements. Car si la générosité est virale, la cohue l'est tout autant.

Une fascination qui inquiète

Les mouvements de foule qu'ils déclenchent rappellent ceux des stars de la K-pop, à une différence près : ici, pas de chorégraphies millimétrées, juste des billets de 50 euros qui volent. Cette popularité inquiète les autorités : entre fugues d'ados voulant "vivre la chienneté", plaintes de parents pour atteinte à l'image et préoccupations autour de la glorification de la débrouille au black, le modèle interroge.

D'un côté, ces influenceurs incarnent un ascenseur social express pour une jeunesse en quête de rêve et de reconnaissance. De l'autre, ils posent la question d'un système où l'on gagne plus d'argent en filmant son quartier qu'en cherchant à le quitter.

Les influenceurs des cités : un miroir sociétal, l’authenticité contre le lisse d’Instagram

Le succès de ces créateurs de contenu n'est pas un hasard. Il est le résultat d'une métamorphose de l'influence : plus brute, plus proche, plus sensationnaliste. Leur popularité est aussi une réponse à un paysage médiatique qui peine à représenter ces réalités autrement que par des faits divers.

S’ils explosent sur Snapchat, c’est parce qu’ils montrent la vraie vie du quartier. C’est du brut, du vrai, des embrouilles, des blagues sur le “bled” et des vannes entre potes. Ça fait rire, ça fait réagir, et surtout : ça parle à ceux qui regardent. C’est ce qui les rend fascinants pour leur public, et assez imperméables aux autres. Parce que sans avoir grandi là-dedans, on a juste l’impression que c’est du bruit et du bordel – alors qu’en réalité, c’est un miroir pour toute une génération.

Alors, simple mode ou véritable mutation culturelle ? Une chose est sûre : si vous pensiez pouvoir les ignorer, c'est raté. 

Une communauté soudée par des codes partagés

Si ces créateurs de contenu rassemblent autant, c’est parce qu’ils ne se contentent pas de divertir : ils fédèrent. La cité est souvent décrite comme une grande famillela solidarité et les références communes tissent du lien. Sur Snapchat, ce modèle se réplique à l’échelle numérique. Regarder Nasdas, Hmi ou Golo et Ritchie, c’est rejoindre un groupe avec ses codes, ses expressions et son identité propre. La chienneté, la Hmi House, ou encore les private jokes incessantes créent un effet de tribu, où seuls les initiés comprennent vraiment la dynamique. Une appartenance qui renforce encore davantage l’adhésion et l’engouement autour de ces figures, bien au-delà du simple divertissement.

La réussite et le rêve américain en version cité

Ce qui rend ces créateurs ultra populaires, c’est aussi qu’ils incarnent une réussite hyper visible. Ils ont grandi en bas des tours, ils ont percé, et maintenant, ils vivent de leur contenu tout en redistribuant à leur communauté. Nasdas fait des cadeaux, Hachmi et Golo emmènent leurs potes en vacances, ça vend du rêve.

C’est l'incarnation du “rêve américain” à la française pour leur public : partir de rien, réussir en restant soi-même et en gardant ses valeurs (d'apparence tout du moins). Les petits qui les suivent veulent la même trajectoire. Pas forcément devenir influenceurs, mais avoir une ascension fulgurante, devenir quelqu’un, et surtout, ne jamais oublier d’où ils viennent.

Pourquoi on n'en entend pas parler ?

Snapchat, c’est le réseau des jeunes. Comme Facebook pour les plus agés, Instagram pour les millennials et TikTok pour la Gen Z. Chaque plateforme a son public, et chaque star y est plus ou moins enfermée dans sa bulle générationnelle. Ce qui cartonne sur Snapchat reste (souvent) sur Snapchat. Les médias grand public, eux, ne regardent qu'Instagram (et commencent à s'intéresser à Tiktok), donc ils passent à côté du phénomène.

Golo et Ritchie, par exemple, sont devenus plus connus du grand public avec leur documentaire au cinéma. Mais même là, le phénomène a été édulcoré : Golo et Ritchie, c’est le duo accessible, attendrissant, avec la carte du repenti et du handicap. Hachmi et Nasdas, eux, c’est plus brut, plus chaotique, plus “cité” – donc moins facilement récupérable pour une audience CSP+ ou ménagère de 50 ans. D’eux, on n’entend parler que des mouvements de foule et des débordements en ville, moins (voire jamais) pour ce qui les rend populaires.

Du meme au cinéma 

Si ces créateurs explosent, c’est aussi grâce aux memes. Leurs punchlines, leurs réactions, leurs expressions deviennent virales bien au-delà de Snapchat. Golo et Ritchie, Nasdas, Hachmi, ils sont partout sur Twitter, Insta, TikTok, sous forme de vidéos détournées et de gifs réaction.

Et ça, c’est la meilleure pub possible : même si tu ne suis pas leurs stories sur Snap, tu finis par les voir passer sur d’autres réseaux, intégrés dans l’humour collectif du net. C’est comme ça qu’ils dépassent leur propre audience et finissent par exister ailleurs.

Golo et Ritchie sont le parfait exemple de cette transition. Ils ont commencé en bas de chez eux, à faire marrer leurs potes sur Snapchat. Puis ils sont devenus des personnages cultes. Puis ils ont fini au cinéma. Leur film a cartonné, avec plus de 250 000 entrées en quelques jours. C’est le plus gros démarrage pour un docu depuis 2016.

C’est la preuve que ces créateurs ne sont pas juste un phénomène internet. Ils fédèrent, ils rassemblent, et ils ont réussi à faire passer l’écran du téléphone à celui du cinéma sans se trahir. Ils parlent à un public en manque de représentations, brutes, vraies, sans le filtre lissant enfermant le quartier dans une image romantisée pour le grand public. 

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