Baloji, artiste congolais : "La situation mondiale nous oblige à nous concentrer, à garder les yeux ouverts sur l'actualité"

Actus. Baloji, artiste multidisciplinaire originaire de la République démocratique du Congo, est membre du jury de la catégorie fiction du FIFDH, un festival dédié au cinéma engagé. Il était l’invité d’Africa Radio mercredi 12 mars.

Baloji, artiste congolais : "La situation mondiale nous oblige à nous concentrer, à garder les yeux ouverts sur l'actualité"
Baloji, artiste multidisciplinaire originaire de la République démocratique du Congo était l'invit d'Africa Radio ce mercredi 12 mars. - FIFDH 2025

Vous êtes un artiste multidisciplinaire, originaire de la République démocratique du Congo. Et on vous retrouve comme membre du jury de la catégorie fiction à l'occasion du FIFDH, donc un festival de films engagés, de cinéma engagé, qui se poursuit jusqu'au 16 mars en Suisse. Ce rôle, vous l'aviez déjà endossé : c'était l'année dernière, au Festival de Cannes, où vous étiez président du jury de la catégorie "Caméra d'or", qui récompense les premières œuvres de jeunes cinéastes. C'est quoi le plus compliqué quand on est membre d'un jury ?

C'est d'abord de s'entendre avec les autres membres du jury, parce qu'après, on dessert un prix qui doit être décerné de façon collégiale. Ça, c'est un élément important. Le deuxième élément, c'est qu'il faut être bien reposé, bien concentré, disponible pour chaque film de la même manière.

Il ne faut pas boire des coups, il ne faut pas se coucher tard le soir pour être disponible pour les films. Je pense que c'est une question de respect.

Au FIFDH, ce sont des films engagés qui sont présentés comme chaque année. Ces derniers abordent différentes thématiques. Il y a la lutte contre les inégalités, le racisme systémique, les conflits et j'en passe. Pour vous, qu'est-ce qu'un film engagé réussi ?

C'est un film qui aborde à taille humaine une situation qui peut paraître complexe ou obscure, parce qu'en fait, il y a une distance qui est de l'identification du spectateur européen sur des réalités qui lui semblent d'office un peu obscures, parce qu'elles viennent de pays qui sont un peu des pays sans nom, sans visage, sans identification. Et comment raconter une situation et la rendre la plus concrète, la plus proche du spectateur.

Vous êtes vous-même un artiste engagé, que ce soit à travers vos chansons, puisque vous êtes rappeur, chanteur et aussi dans vos cours et longs métrages dans lesquels vous racontez et questionnez nos sociétés. D'ailleurs, vous avez un deuxième film qui est en préparation, qui s'appellera Mulâtresse solitude. Qu'est-ce qui vous a inspiré ce projet ?

Ça parle aussi de sujets qui peuvent aussi paraître un peu obscurs d'un point de vue européen, la question du colorisme, la question des hiérarchies des races, la question de l'identité métisse, comment est-ce qu'elle est perçue, en se rapprochant de l'idéal blanc. J'aime bien les œuvres qui sont à lectures multiples et à thématiques multiples.

Et qu'est-ce qui vous a inspiré ces thématiques-là, justement ?

Plein de choses. Je pense qu'en même temps, la situation mondiale nous oblige à nous concentrer, à garder les yeux ouverts sur l'actualité. Je pense que l'actualité de mon pays d'origine est tellement édifiante, tellement scandaleuse.

On doit rester concentré là-dessus. Je pense que la situation d'oligarques masculinistes qui sont en charge du monde me pose question et en même temps raconte beaucoup de notre société, raconte beaucoup d'une frustration qu'ils ont encaissée pendant 5, 6 ans et qui aujourd'hui reprennent un peu les rênes, on va dire ça comme ça.

Vous êtes originaire de la République démocratique du Congo. Et dans l'est du pays, les attaques du M23, un groupe rebelle, ont repris de plus belle, faisant des milliers de morts et de déplacés. Quand vous voyez la situation du pays, qu'est-ce que ça vous évoque ?

Beaucoup de colère, beaucoup d'incompréhensions parce que d'une certaine manière, l'histoire se répète. L'histoire nous rappelle cette guerre larvée, cette situation complexe avec nos pays voisins que sont le Rwanda et l'Ouganda. Comment est-ce qu'on arrive à des situations de ce type-là ?

Comment est-ce que les enjeux économiques passent avant la raison humaine ? Comment est-ce que notre gouvernement a une responsabilité par rapport à une situation de cet acabit. Comment est-ce qu'un pays étranger, limitrophe, peut envahir son pays voisin en profitant d'une situation d'insécurité globale, ça questionne énormément.  Et en même temps, je suis confronté à l'indignation sélective du monde européen, de l'opinion publique qui, d'une d'une certaine manière, s'en contrefiche.

Et qu'on dise "no congo, no phone", n'est même pas suffisant. Je pense que les gens ne comprennent pas l'urgence du génocide congolais. On n'arrive pas à attirer les regards sur cette situation et l'importance d'une réponse globale du monde, de vraiment réagir.

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