Amadou Bagayoko, formait avec sa femme Mariam Doumbia le duo de musiciens Amadou & Mariam. Il est décédé vendredi 4 avril à Bamako, à l'âge de 70 ans, des suites d'une maladie. Quels mots choisiriez-vous pour décrire ce groupe ?
Je pense qu'Amadou & Mariam ont servi un peu de cheval de Troie pour faire pénétrer la musique malienne dans les foyers occidentaux.
Ils ont été formés très tôt à l'IGEA, l'Institut des jeunes aveugles du Mali, sous la houlette d'Idrissa Soumahoro, lui aussi un grand musicien malien. Ils ont été exposés à la fois aux chants traditionnels maliens, mais surtout au rock et au blues.
Je me souviens d'avoir discuté longuement avec Amadou de ses influences. Il était passionné par John Lee Hooker, tout comme Ali Farka Touré d'ailleurs, et il écoutait aussi Pink Floyd, il écoutait beaucoup de rock.
Est-ce que vous voyez des successeurs aujourd'hui au groupe Amadou et Mariam ?
Bonne question, mais je pense que non. Ils avaient un style quand même assez idiosyncratique, assez unique. Je ne vois pas trop. Déjà, il y a très peu de duos. C'est vrai que parfois, on a un peu caricaturé à l'extrême "le couple aveugle du Mali". Ça a été beaucoup utilisé en marketing, les concerts dans le noir, etc. Mais je pense qu'ils étaient uniques.
Bien sûr, on peut penser à Sidiki Dabaté et toutes ses expérimentations avec à la fois la kora et tout ce qui est autotune et toutes les productions influencées par le Nigeria.
Sidiki Dabaté aurait peut-être cette portée internationale. Mais je pense qu'Amadou et Mariam resteront assez uniques dans l'histoire des musiques maliennes et de la grande musique malienne, puisqu'ils font vraiment partie de ces héros, de ces pionniers et de ces talents assumés et affirmés.
Non, je ne vois pas d'héritiers possibles. Il y a toujours eu des grands noms maliens, Ali Farka Touré, Boubacar Traoré, mais la dynamique qu'ils avaient, avec ces contrepoints aigus, ce chant très perçant de Mariam, et puis elle a grandi dans cette tradition.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'en Afrique, certaines des plus belles voix féminines sont maliennes. C'est une tradition qui remonte à plus de sept siècles déjà. C'est assez incontestable. Et donc voilà, la voix de Mariam, avec ce ton parfois rock, organique, avec beaucoup de grain, beaucoup de textures, se marie parfaitement avec la guitare rocailleuse d'Amadou Bagayoko. C'est vraiment unique.
Vous vous êtes rendu de nombreuses fois au Mali. Vous avez même consacré un livre à la musique malienne. Quand on parle de musique malienne, on pense à Ali Farka Touré, Toumani Diabaté, etc. Mais que pensaient les Maliens, justement, du groupe Amadou et Mariam ?
Ils étaient très célébrés, notamment à Bamako. Je me souviens d'une grande maison, un grand
immeuble à la périphérie de Bamako, qu'on appelait Versailles. Il y avait toujours beaucoup de monde.
Ils avaient fait beaucoup pour leur ville, leur pays. Ils étaient respectés. C'est vrai que dans la rue, on
entendait beaucoup de cassettes. On voyait circuler les cassettes d'Amadou et Mariam qui ont beaucoup
été copiées, piratées, etc.
Ils avaient, au même titre que Nahawa Doumbia, Oumou Sangaré et bien d'autres, ce style particulier. Je pense que Ça plaisait aux Maliens. Les Maliens étaient fiers de voir un groupe qui puisse percer sur la scène internationale, car c'est un pays qui est rempli de talents en toutes sortes, que ce soit photographique, picturaux, musicaux, bien entendu, mais il y a d'immenses musiciens maliens et je pense qu'Amadou et Mariam ont rendu fiers les Maliens d'avoir cette audience à l'international, effectivement ils ont vraiment été dans le monde entier. Ça, c'est indéniable.
Ils sont sortis du côté strictement World Music, réservé aux lecteurs de Télérama ou aux connaisseurs, aux quelques initiés, aux profs, etc.
Ils ont démocratisé, en quelque sorte, et rendu accessible un grand public. Il y a eu des collaborations formidables, d'autres parfois un peu moins heureuses, il faut le dire aussi, mais ils ont toujours gardé leur éthique.
Ils sont restés fidèles, en quelque sorte, à ce qu'ils avaient édicté dès 1978, avec ce disque merveilleux intitulé L'Éclipse, qui avait été réédité.
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