Dans les médias tunisiens, les anciennes pratiques ont la vie dure

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TUNIS (AFP) - (AFP)

A quand une révolution médiatique, s'interrogent, impatients et dépités, plusieurs journalistes et experts des médias tunisiens qui, sept mois après la chute de l'ancien dictateur Ben Ali, estiment que les habitudes de l'ancien régime perdurent.

Selon plusieurs journalistes, des responsables politiques continuent à exercer des pressions."Elles concernent les choix des sujets, les personnes à inviter ou le contenu des émissions.Ben Ali est parti mais les pratiques, elles, n'ont pas changé", affirme Najiba Hamrouni, présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT).

"Ceux qui étaient à la tête des médias avant le 14 janvier sont les mêmes avec les mêmes réflexes et les mêmes structures", affirme la journaliste et blogueuse Henda Hendoud, qui fustige les "difficultés d'accéder à des sources sûres" et les "intimidations" dont font l'objet les journalistes.

Elle cite en exemple un entretien avec un représentant du ministère de l'Intérieur qui l'a accusée de manquer d'objectivité et l'a congédiée.

Rares sont les médias où des conférences de rédaction sont organisées.La relation verticale entre les journalistes et les rédacteurs en chef demeure: pas assez de possibilités pour les journalistes de défendre leur sujet, réduits souvent à un rôle de simples exécutants.

Par ailleurs, après des décennies de musellement, le réflexe d'autocensure est toujours vivace."Certains de mes confrères considèrent que critiquer le gouvernement ou l'armée est un danger ou un manque de respect", explique un journaliste qui souhaite garder l'anonymat.

Reste que sur certains points, la situation s'est améliorée.Un nouveau code de la presse, renforçant les droits des journalistes, vient d'être adopté.

Finies les demandes systématiques d'autorisation de tournage, les journalistes peuvent désormais filmer sans devoir montrer patte blanche au ministère de l'Intérieur.L'Agence Tunisienne de la Communication Extérieure, l'arme de censure du pouvoir de Ben Ali sur les médias étrangers, a été démantelée.

"On remarque que la parole est plus libérée, notamment à la radio", affirme l'universitaire Ridha Ferjani, spécialiste des médias.

Mais le besoin de formation des journalistes, déjà criant à l'époque de Ben Ali, l'est encore plus dans cette période d'effervescence politique.Les appels à la réforme des enseignements de l'Institut de la Presse et des Sciences de l'Information à Tunis (IPSI), la seule école de journalisme du pays, se multiplient.

"J'y ai passé quatre années complètement vides.On nous interdisait l'esprit critique et l'analyse, il fallait rester fidèle aux dépêches de l'agence de presse officielle", regrette Henda Heddoud.

"On ne peut pas tout changer avec une baguette magique", reconnaît Larbi Chouikha, membre de l'INRIC, l'instance chargée des réformes dans les médias et professeur à l'IPSI.

"L'urgent c'est la nécessité pour l'institut de revoir ses méthodes d'enseignement et de s'adapter au jeu de la concurrence", insiste M. Chouikha qui appelle à la création d'autres écoles, y compris privées.

Aujourd'hui, une autre ligne de fracture se crée au sein de la profession: beaucoup de journalistes ne voient pas d'un très bon oeil la génération de jeunes blogueurs, très actifs pendant le soulèvement de décembre 2010-janvier 2011.Nombre d'entre eux ont été récemment recrutés dans les médias.

"La profession n'arrive pas à prendre conscience du changement qui s'est opéré avec Internet", analyse Henda Hendoud.

La blogueuse Emna Ben Jemaa est encore plus sévère: "Pour les journalistes en place, nous n'avons aucune légitimité.Mais moi je leur demande: où étiez-vous avant la chute du régime?".

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