Jouant de charme et d'ambiguïté, l'avocat tunisien Abdelfattah Mourou, cofondateur du mouvement islamiste Ennahda dont il se dit aujourd'hui "divorcé", dirigera une liste d'indépendants pour l'élection du 23 octobre, mais reste encore vague sur les raisons de sa candidature.
A 63 ans, le pénaliste tunisien, réputé pour son humour et sa verve, devrait diriger la liste de "l'Alliance démocratique" dans la circonscription de Tunis 2, qui regroupe les banlieues chic du nord de la capitale, et qu'il surnomme "la circonscription des éléphants".Face à lui en effet, des poids lourds de la scène politique et militante tunisienne, tels le président du Parti démocrate progressiste Ahmed Néjib Chebbi ou l'avocate et militante des droits de l'Homme Radia Nasraoui.
Fondateur avec Rached Ghannouchi en 1989 du Mouvement de la tendance islamiste (MTI), devenu Ennahda en 1981, M. Mourou, qui a fait deux ans de prison sous l'ex-président Ben Ali, a "divorcé" d'avec ses anciens compagnons de route.
Officiellement "parce qu'Ennahda ne s'est pas excusé pour l'affaire de Bab Souika", l'incendie d'un local du RCD (ex parti présidentiel) en 1991, dans lequel un gardien avait péri."Pour des questions d'égo", jugent certains, pour qui M. Mourou se voit destiné à un grand avenir politique dans la Tunisie post-Ben Ali.
"Je suis un militant islamiste et je le reste", déclare M. Mourou à l'AFP.Mais "je ne vais pas demander aux gens de fermer les yeux et de me remettre leurs voix pour les donner ensuite à Ennahda", ajoute-t-il, répondant à ceux qui voient dans sa candidature une vitrine modérée du mouvement islamiste susceptible d'attirer les voix centristes.
Avant de brouiller une dernière fois les cartes en n'excluant pas une alliance avec Ennahda après les élections: "tout est possible".
Interrogé sur le sens de sa candidature dans ces conditions, M. Mourou dit vouloir participer à l'assemblée constituante pour "doter le pays d'institutions solides avant les vraies échéances électorales que seront les législatives et la présidentielle".
"Il n'est pas encore temps de mettre en place un programme idéologique en Tunisie, qu'il soit islamiste ou d'extrême-gauche.Ce dont le pays a besoin, c'est de la mise en place d'institutions qui préserveront la liberté du citoyen et l'indépendance de la Tunisie", plaide-t-il.
L'avocat veut défendre des principes tels que la décentralisation, l'instauration de contre-pouvoirs forts, l'indépendance du pouvoir judiciaire et la garantie des libertés fondamentales: "droits de l'enfant, de la femme, droit à la propriété, liberté de circulation, droit à une vie décente..."
Mais, alors que le scrutin du 23 octobre s'approche, il reconnaît que le paysage politique, avec plus de 100 formations candidates, est illisible, et que le rôle de la future constituante est encore très flou pour nombre de Tunisiens.
"Les gens ne comprennent pas bien.Ils vont aller aux urnes pour la première fois, trouver 50 ou 60 listes, ne pas savoir ce qui les différencie fondamentalement, ni pour quoi ils vont les élire".Selon lui, "il faudra des années pour comprendre le jeu électoral et saisir tous les enjeux".
En attendant, Abdelfattah Mourou prépare sa campagne, avec "ses propres deniers", assure-t-il.Il fustige les partis qui "peuvent dépenser des millions de dinars pour s'afficher en grand dans les rues de Tunis", mais nie avoir bénéficié d'une publicité gratuite sur la télévision Hannibal, qui lui avait confié une émission religieuse quotidienne de 8 minutes pendant le mois de ramadan en août.
"Toute la Tunisie me connaît déjà", balaye-t-il.
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