Le premier défilé de mode homme-femme à Khartoum a tourné à l'aigre avec l'arrestation d'une vingtaine de personnes, dont des jeunes mannequins qui présentaient jeudi soir des collections occidentales et locales dans un club populaire de la capitale soudanaise.
Chemises ouvertes laissant entrevoir des torses lisses, regards félins voire pharaoniques, des mannequins en herbe vêtus de collections occidentales ont foulé le podium devant parents et amis dans une atmosphère bon enfant, selon un journaliste de l'AFP couvrant l'événement.
Sur fond de "ballades" des années 1980 ou de musique traditionnelle locale, de jeunes femmes en tenues de gala, classiques, leur ont emboîté le pas, aimantant les flashs des quelques photographes présents.
La police tenait la garde devant le club, mais après le défilé les forces de l'ordre ont arrêté près de 25 jeunes hommes et femmes et les ont conduits au poste de police du quartier Al-Diem, ont indiqué à l'AFP des personnes arrêtées.
"En prison, les gardes m'ont traité de sale homosexuel, c'est une injure majeure dans notre pays.C'est humiliant", a dit à l'AFP sous le couvert de l'anonymat un des mannequins arrêtés, libéré vendredi matin.
La majorité des personnes interpellées ont été relâchées vendredi, mais plusieurs d'entre elles doivent comparaître dimanche."Je ne sais pas ce qui va nous arriver dimanche.Les défilés de mode c'est nouveau au Soudan, ce n'est pas comme à Paris, ils ne savent pas quoi faire avec nous", a ajouté ce mannequin.
"J'ai passé la nuit en prison.La raison pour laquelle ils nous ont arrêtés n'est pas claire", a dit à l'AFP Rashad el-Nimeiry, un jeune mannequin d'une vingtaine d'années, né au Soudan mais ayant la citoyenneté américaine.
Le défilé de jeudi était l'occasion pour une designer soudanaise de présenter des vêtements de mariage ainsi que sa version personnalisée de la "tob", la robe traditionnelle portée par les femmes du Nord-Soudan, une sorte de grand tissu coloré enrubannant le corps, de la tête au pied.
Un jeune homme habillé d'une tunique blanche, d'une chasuble marron, la tête coiffée d'une +taqiya+ (chapeau porté par les musulmans au Soudan) sertie d'un croissant de lune, a ainsi marché sur le podium tenant une jeune femme par la main, comme si elle était son épouse.
De rares défilés de mode ont déjà eu lieu à Khartoum, mais il s'agissait de la première fois qu'un défilé mixte - avec des mannequins des deux sexes - avait lieu dans la capitale où est appliquée une version rigide de la loi musulmane (sharia) qui interdit les comportements et les vêtements jugés "indécents".
Depuis la fin de la guerre civile entre le Nord, majoritairement musulman, et le sud, en grande partie chrétien, du Soudan, la loi islamique ne s'applique plus au Sud-Soudan et ne doit pas être appliquée en théorie sur les chrétiens vivant au Nord-Soudan, y compris dans la capitale du pays, Khartoum.
"C'est la première fois que je vois un défilé de mode comme celui-ci au Soudan", a dit à l'AFP Mohammed, un homme âgé ayant assisté jeudi soir au défilé, avant que la situation ne s'envenime."Notre cas ressemble à celui de Loubna", a ajouté un mannequin parlant sous le couvert de l'anonymat.
La journaliste et activiste Loubna Ahmed al-Hussein avait été arrêtée en juillet 2009 dans un café de Khartoum et reconnue coupable d'avoir porté un pantalon qualifié "d'indécent" par la cour.La jeune femme avait toutefois échappé aux 40 coups de fouet, peine normalement requise pour les cas d'indécence.
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