Aujourd'hui, 10 Octobre 2011, voilà 30 ans qu'était publiée au Journal Officiel la loi portant abolition de la peine de mort en France. C'est également la Journée mondiale contre la peine de mort. L'occasion pour nous de faire le point sur la peine de mort en Afrique avec Cécile Marcel, directrice des actions de l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture)Africa N°1 : Qu'en est-il de la peine de mort sur le continent africain ?Cécile Marcel : La particularité de la peine de mort en Afrique, c'est que beaucoup de pays gardent ce châtiment dans leur arsenal juridique mais ne l'appliquent plus. La plupart du temps c'est un manque de volonté politique. En général les opinions publiques sont favorables à la peine de mort. Ce n'est pas vrai que pour l'Afrique d'ailleurs. Les opinions publiques de presque tous les pays y sont plutôt favorables. En France la loi avait été votée au parlement contre l'opinion publique qui était pour à plus de 60%. En Afrique les décideurs sont donc peu enclins à affronter leur électorat sur ce sujet. Il en résulte que certains pays ne l'appliquent plus depuis plus de 30 ans mais que l'abolition n'a toujours pas été votée.Africa N°1 : Cela semble plus marqué en Afrique de l'ouest, à l'Est et en Afrique centrale on l'applique encore, qu'est ce qui explique ce phénomène ?Cécile Marcel : Il y a des pays comme le Kenya où la peine de mort est appliquée automatiquement face à certains crimes. Il n'y a pas de nuances et le juge n'a pas le choix. Mais cela est en train de changer. D'autres comme le Soudan ne sont pas vraiment des démocraties exemplaires. La peine de mort sert alors d'outil de contrôle ou de répression. D'une manière générale c'est lié à la culture pénale des pays. Mais encore une fois les choses bougent. Regardez le Rwanda par exemple qui a récemment aboli. Africa N°1 : Le Bénin a aboli la peine de mort en Aout dernier. Celle-ci n'était plus appliquée depuis longtemps, mais certains députés ont expliqué leur désaccord avec l'abolition car ils ne voulaient pas faire de leur pays un refuge pour les grands criminels. Cette raison est-elle le moteur des pays qui n'appliquent plus la peine mais qui la conserve dans leur arsenal ?Cécile Marcel : Non, c'est un argument très rare. Ce n'est pas repris dans les autres pays�?�Africa N°1 : On peut penser au Sénégal qui ne peut extrader Hissène Habré au Tchad car celui-ci y risque la peine de mort �?�Cécile Marcel : Il faudrait le juger au Sénégal�?� au titre de la compétence internationale. Même si le pays appliquait encore la peine de mort, Hissène Habré aurait pu s'y réfugier car il n'est par poursuivi au Sénégal. Cela dit, là il s'agit d'un cas politique et qui plus est assez rare. Pour les questions de droits commun l'argument du refuge, je le répète, n'est entendu que très rarement.Africa N°1 : La peine de mort est appliquée en Egypte et en Libye, pensez-vous que les récentes révolutions dans ces pays vont changer la donne ?Cécile Marcel : Il est beaucoup trop tôt pour le dire. La situation dans ces deux pays est encore extrêmement tendue et l'abolition n'y est certainement pas la priorité actuellement. En revanche en Tunisie, on a ratifié juste après le départ de Ben Ali les traités internationaux qui rendent irréversible l'abolition. ([Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort->http://www.ccprcentre.org/fr/deuxieme-protocole-facultatif-se-rapportant-au-pacte-international-relatif-aux-droits-civils-et-politiques])Africa N°1 : Les politiques de sanctions, par exemple commerciales, sont-elles efficaces pour convaincre certains pays d'abandonner la peine de mort.. ou faut-il privilégier la diplomatie ?Cécile Marcel : C'est un grand débat même au sein de la communauté abolitionniste. Aux Etats-Unis par exemple des groupes abolitionnistes veulent sanctionner le Texas qui est l'Etat qui exécute le plus. Mais concernant l'Afrique ca ne serait vraiment pas judicieux car cela toucherait les populations qui sont déjà dans des situations de grande précarité. Il faut donc privilégier la diplomatie. Propos recueillis par Matthieu Jean
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.