Taher Husnein, béret révolutionnaire vissé sur le crâne, a été de ceux qui ont ouvert les portes de la prison Jedaïda à Tripoli quand la ville est tombée aux mains des "rebelles": il veut en faire un établissement "modèle" dans une Libye encore en quête de nouveaux repères.
"Nous voulons qu'ici désormais tous les critères de respect des droits de l'Homme soient appliqués, personne ne doit être frappé, les prisonniers doivent avoir accès aux soins, disposer de suffisamment d'espace", explique cet ex-homme d'affaires qui a vécu pendant 32 ans aux Etats-Unis avant de revenir au pays en 2008 en raison de la crise économique là bas.
"En fait, personne ne nous a formellement demandé de rouvrir cet établissement, nous nous y sommes attelés avec trois autres compagnons d'armes et ça marche avec la +baraka+, rien d'autre", explique-t-il.Lui même y avait d'ailleurs passé 15 jours en mars 2010 pour une querelle de voisinage.
Après avoir ouvert les portes de la prison pour en libérer les détenus de l'ère Kadhafi, l'établissement situé dans la banlieue est de Tripoli s'est vite rempli à nouveau, notamment avec d'ex-prisonniers.
Quelque 800 prisonniers -dont une quarantaine de femmes- y sont enfermés pour des délits de droit commun ou encore soupçonnés d'avoir collaboré avec l'ex-régime de Mouammar Kadhafi, selon M. Husnein.Une cinquantaine d'ex-"rebelles volontaires" sont affectés à sa surveillance.
Dans un des cinq bâtiments, 160 Libyens sont enfermés par trois dans des cellules donnant sur un couloir commun où ils se promènent dans l'attente de connaître leur sort dans un pays où tout, y compris la Constitution et la loi, doit être revu aux normes d'une démocratie.
M. Husnein se dit particulièrement vigilant quant au traitement des prisonniers dans son établissement conscient que même parmi ceux qui ont combattu Mouammar Kadhafi, les méthodes brutales -tortures, intimidations, menaces-, héritées de 42 ans d'un régime despotique, pourraient réapparaître.
"Nous avons découvert que deux +thowars+ (combattants) avaient frappé des détenus, ils ont été mis à la porte", explique-t-il précisant qu'il avait reçu récemment des membres de l'organisation des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW).
Début octobre, HRW a demandé aux dirigeants du Conseil national de transition (CNT), les nouvelles autorités au pouvoir, de mettre fin aux arrestations arbitraires et aux mauvais traitements infligés aux prisonniers en Libye. "Les détenus font état de mauvais traitements dans six prisons, indiquant notamment avoir été passés à tabac et avoir reçu des électrochocs.Certains d'entre eux ont montré des cicatrices pour étayer leurs accusations.Aucun n'a encore été présenté à un juge", a dénoncé HRW.
L'organisation a demandé qu'"un système judiciaire capable de traiter la situation de tous les prisonniers" soit mis sur pied sans délais.
Mardi, le ministre de la Justice Mohammed al-Alagui a indiqué qu'une "nouvelle législation transitoire" devrait être adoptée "d'ici une dizaine de jours" pour permettre "d'enquêter sur les crimes commis sous l'ex-régime" dans "le respect des droits de l'Homme".
Selon HRW, des milliers de personnes ont été arrêtés depuis la chute de l'ex-dirigeant Mouammar Kadhafi fin août, en particulier des Libyens à la peau noire ou des Africains sub-sahariens accusés d'avoir combattu aux côtés des pro-Kadhafi. Dans un des bâtiments, quatre grands dortoirs accueillent ces prisonniers noirs, dont la quarantaine de femmes que compte l'établissement.Ils veulent maintenant qu'une seule chose, pouvoir rentrer dans leur pays, le Niger ou le Ghana.
Pour l'instant, l'énergique Taher Husnein se sent bien démuni: "l'état de cette prison est à l'image de celui du pays où rien n'a été fait en 42 ans, la tâche est gigantesque, il nous faut de l'aide et des moyens".
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