Depuis l'enlèvement de deux Espagnoles à Dadaab, dans l'est du Kenya, les autorités ont ratissé une bande large d'une trentaine de kilomètres frontalière avec la Somalie où les insurgés islamistes shebab, "invisibles", mais "présents", inspirent la peur.
Des policiers à pied, d'autres dans des Land cruiser, seuls véhicules à pouvoir passer sur des routes rendues impraticables par la pluie, sillonnent les pistes qui mènent en Somalie.Dans le ciel, deux hélicoptères tournent en un ballet incessant.
"Nous cherchons à localiser les deux Espagnoles enlevées," explique Philip Ndolo, chef adjoint de la police du Nord-Est."Nous avons patrouillé à Dadaab, puis à Kulan, Damajaley puis nous sommes allés jusqu'à Liboi et jusqu'à Harttar (à la frontière somalienne), mais nous ne les avons pas trouvées."
Dans chacune de ces localités, ce haut gradé, accompagné d'une vingtaine d'officiers, s'est arrêté pour rassembler la population et demander des informations.Mais les réponses ont souvent été contradictoires.
"On pose des questions mais on ne peut pas savoir qui dit la vérité car les shebab peuvent compter sur la complicité de réfugiés somaliens et de Kenyans d'origine somali", commente l'un de ses hommes, qui dit avoir "échangé des tirs à plusieurs reprises avec des shebab" dans la région.
Dans cette région couverte d'un touffu maquis d'épineux, vit une population d'autochtones en grande majorité somali, auxquels sont venus s'ajouter plusieurs générations de Somaliens fuyant, depuis l'ouverture des camps de réfugiés de Dadaab en 1991, la guerre ou la famine dans leur pays.
La grande majorité des habitants, visages émaciés, l'air aussi austère que la terre brûlée par le soleil, se disent "oubliés" par Nairobi.
"Partout (les) shebab ont des informateurs, partout ils ont des complicités", confirme à l'AFP un responsable administratif à Liboi.Beaucoup "vivent dans la terreur des shebab", estime cet homme qui porte le pagne traditionnel somali.
"Une fois, ils sont venus chez moi vers 3h00 du matin, ils m'ont réveillé et m'ont demandé ce que j'avais dit au cours d'une réunion, (...), depuis je fais attention", dit-il pour justifier l'anonymat qu'il requiert.
Les "shebab sont déjà parmi nous"
Mais l'influence des shebab se fait sentir au delà de la bande ratissée par la police : jusqu'à Dadaab, à environ 90 kilomètres à l'ouest de la frontière, où les travailleurs humanitaires qui aident les centaines de milliers de réfugiés vivent dans un camp retranché.Prévu à l'origine pour accueillir 90.000 réfugiés, Dadaab en abrite désormais quelque 450.000.
"Tout le monde a peur.Personne ne sort de Dadaab à partir de 18h00 et pendant la journée, ceux qui veulent se déplacer se font escorter par la police ou alors ils doivent s'acquitter d'une certaine somme auprès de bandits ou des shebab", explique un autre policier, montrant un camion incendié avec son chargement de sucre il y a un mois entre Dadaab et Liboi, parce que son propriétaire refusait de payer "cet impôt".
Dans toutes les conversations, le nom des shebab est mâché et remâché.Leur présence semble planer comme une menace permanente.
Dans le camp où les deux Espagnoles, employées de Médecins sans frontières, ont été kidnappées jeudi, Ahmed, un réfugié de 34 ans, raconte comment les "shebab" ont "enlevé en plein jour, devant des dizaines de personnes, les deux femmes blanches, puis sont partis en toute impunité".
"On ne sait pas où ils (les shebab) sont exactement, ils sont invisibles, mais ils nous surveillent, ils sont toujours présents et ils peuvent frapper partout," murmure-t-il.
"Tout va changer", affirme, sûr de lui, un policier."Notre armée est entrée en Somalie et a infligé depuis vendredi de lourdes pertes à l'ennemi shebab, notamment à Dhobley."
Mais l'argument ne semble pas convaincre Ahmed."Même si on les chasse (...) de toutes les villes de Somalie, les shebab sont déjà parmi nous, (...), et on n'y peut rien", dit-il d'un ton résigné.
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