Les deux blessures toujours à vif laissées par les balles qui ont traversé son mollet rappellent constamment à Abseta Afalla, réfugié soudanais en Ethiopie, la guerre civile qui sévit dans l'Etat soudanais du Nil bleu qu'il vient de quitter.
Comme marcher sur sa jambe blessée lui fait toujours mal, il passe ses journées couché dans sa tente dans le camp de réfugiés de Sherkole, assez proche de la frontière pour entendre encore le bruit des bombardements aériens.
"On m'a tiré dessus et j'ai dû partir pour l'Ethiopie, en laissant tous mes compagnons derrière moi", s'emporte-t-il.
Le combattant de 33 ans a été blessé dans de violents affrontements au sein même de son unité militaire soudanaise, quand les soldats fidèles à Karthoum s'en sont pris aux ex-rebelles sudistes, pourtant censés être désormais leurs frêres d'armes.
Plus de 27.000 personnes ont fui vers l'Ethiopie et vers le Soudan du Sud voisins, depuis que des combats ont éclaté dans l'Etat soudanais du Nil Bleu le mois dernier.Des réfugiés racontent y avoir régulièrement subi des raids aériens et des attaques au sol.
L'ONU craint que le nombre de nouveaux arrivants augmente encore dans les semaines à venir, d'autant que les combats entre les troupes de Karthoum et la branche nord de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA-N) continuent.
Les hommes de la SPLA-N ont combattu 22 ans aux côtés de leurs camarades rebelles sud-soudanais dans leur sanglant conflit avec Karthoum.Depuis la fin de la guerre civile entre le Nord et le Sud en 2005, les membres de la SPLA-N étaient censés travailler avec l'armée régulière de Karthoum.
Mais à l'indépendance du Soudan du Sud cette année, les tensions sont reparties de plus belles entre les hommes toujours restés fidèles à Karthoum et les ex-rebelles.La situation de ces derniers est d'autant plus précaire que le Soudan du Sud les laisse désormais aussi à leur sort.
Les travailleurs humanitaires, qui n'ont pas un libre accès au Nil bleu, craignent que des milliers de personnes y aient été tuées.Selon eux, près de la moitié des 1,2 million habitants de cet Etat sont des déplacés de guerre.
Beaucoup de ces déplacés ont traversé en Ethiopie pour s'installer dans des localités frontalières comme celle de Gizan, qui compte plus de 2.100 réfugiés.
Le Haut commissariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR) les encourage à s'installer dans de véritables camps pour mieux accéder à l'aide.D'autant, dit-il, qu'ils risquent de rester un moment.
Situation humanitaire d'urgence
Mais beaucoup hésitent, espérant que le conflit ne durera pas.
"Je ne peux pas arrêter de penser à mon village", s'épanche Atoma Anur, jeune maman de 18 ans qui vit dans une école abandonnée de Gizan avec une trentaine d'autres réfugiés.Elle vient de donner naissance à un bébé, sans assistance médicale, et survit grâce à l'aide d'amis.
A Sherkole, un nombre croissant de réfugiés sont des enfants.
Pierre Daoud, 13 ans, a fui seul son village quand les soldats l'ont envahi dans la nuit.Il a laissé derrière lui son père et ses frères.
"Beaucoup de gens couraient, hurlaient et pleuraient", se remémore-t-il, assis dans une tente où il joue avec trois autres adolescents dans la même situation.
Lui ne veut pas retourner au Soudan, mais continuer d'aller à l'école, qu'il fréquente depuis son arrivée à Sherkole le mois dernier.
Dans ces camps de l'est éthiopien, les agences d'aide, qui doivent aussi faire face, dans le sud du pays à Dolo Ado, à l'afflux de réfugiés somaliens, mettent désormais en garde contre l'amenuisement des ressources.
"Il y a une situation d'urgence à Dolo Ado et la même situation d'urgence ici aussi.Nous sommes totalement débordés", s'alarme Irene van Rij, responsable du HCR.
L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture de l'ONU (FAO) a aussi mis en garde contre une crise alimentaire imminente dans l'Etat du Nil bleu, suite aux pluies irrégulières et à une pénurie alimentaire qui risquent encore d'augmenter le nombre de réfugiés en Ethiopie.
A Sherkole, certains réfugiés espèrent pourtant encore rentrer chez eux.Mais eux aussi sont pessimistes.
"S'il y a la paix, je vais y retourner, (...).Mais je ne peux pas vous dire quand", lance Abseta Afalla.
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