La percée d'une liste d'un milliardaire tunisien basé à Londres, aux promesses extravagantes, suscite mercredi la consternation chez de nombreux Tunisiens, notamment de journalistes qui l'avaient sous-estimée et qui s'interrogent sur de possibles rapports avec l'ancien régime.
Selon les premiers résultats annoncés pour neuf circonscriptions sur 27, "La Pétition populaire pour la justice et le développement" de Hechmi Haamdi se retrouve derrière les islamistes d'Ennahda à égalité avec le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste).
La liste de Hechmi Haamdi, aux appartenances politiques ambigües et propriétaire de la télévision satellitaire Al Mostakilla, était totalement absente sur le terrain pendant la campagne, et sa percée est inattendue.
"C'est la plus mauvaise surprise des résultats!C'est honteux et catastrophique", lance une journaliste du site Magharibia Houda Trabelsi.
"Espérons que cet homme pourra être écarté parce qu'il ne fera jamais rien de bon pour la Tunisie", dit-elle au bord des larmes.
Pour Houda, 32 ans, employée à l'aéroport de Tunis, "c'est catastrophique, ce type est sorti de nulle part, il a fait une campagne souterraine en s'appuyant sur sa chaîne de télé privée.C'est illégal, il a violé toutes les règles de la campagne".
Sur facebook et twitter, des journalistes s'interrogent sur le phénomène "HH", le surnom de Hechmi Haamdi, et sur de possibles accointances avec l'ancien régime de Ben Ali renversé le 14 janvier.
"Il y a sûrement un réseau derrière Hechmi Haamdi et ça ne peut être que les ex-RCD, le parti dissous du président déchu Zine El Abidine Ben Ali", explique Mourad Sellami, journaliste et analyste politique.
"Je pense qu'ils ont acheté des voix.Ils ont travaillé en silence, dans l'ombre", accuse-t-il.
Ancien islamiste devenu un allié du régime de Ben Ali, Hechmi Haamdi est originaire de la région de Sidi Bouzid (centre), où a commencé la révolution tunisienne.Il a revendiqué la victoire dans cette ville.
La "Pétition populaire" fait déjà l'objet de plaintes, en France et en Tunisie, pour le non respect des règles de campagne, notamment pour l'utilisation abusive du média privé du milliardaire et pour l'opacité de son financement.
"Je ne comprends pas comment une liste indépendante dont on n'a pas vu une campagne électorale sur le terrain peut rafler autant de sièges.D'où vient son électorat et pourquoi a-t-il voté pour elle?C'est plus qu'une mauvaise surprise, c'est une énigme à résoudre dans les prochaines semaines", dit Azza Turki, une autre journaliste, épuisée après des jours de travail continu pour la couverture des élections.
"C'est plus que démoralisant c'est déprimant même!On a fait cette révolution pour permettre à cet homme d'avoir un mot sur l'avenir de la Tunisie?C'est vraiment trop pour mon petit coeur!, crie Assma Bacchouche.
Homme d'affaires fortuné, M. Haamdi a promis d'injecter 2 milliards de dinars (un milliard d'euros environ) dans le budget de l'Etat adopté par le Premier ministre sortant Beji Caïd Essebsi.
Dans une campagne continue sur Al-Moustakilla, il a promis des soins gratuits et deux cents dinars (100 euros) pour chacun des 500.000 chômeurs du pays en contrepartie de jours de travail communautaire.
"Notre programme répond aux aspirations du peuple qui veut des mesures urgentes et concrètes pour vivre dans la liberté, la justice sociale et la dignité", avait déclaré lundi M. Hamdi à l'AFP depuis son lieu de résidence à Londres.
Mais Raouf, 45 ans, agent d'escale originaire de Sfax, qui a voté Ennahda s'exclame: "avec lui, c'est demain on rase gratis.Il a fait des promesses incroyables aux gens".
"Il a promis de construire un pont entre l'Italie et la Tunisie.On dirait Kadhafi jeune!", ajoute même un autre employé de l'aéroport.
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