Kenya: des survivants de la répression des Mau Mau réclament justice

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NYERI (Kenya) (AFP) - (AFP)

Il y a près de 60 ans, Wambugu Wa Nyingi était passé à tabac et laissé pour mort par l'armée coloniale britannique.Les cicatrices des chaînes qui l'ont entravé pendant plusieurs années et le traumatisme des sévices ne se sont toutefois pas estompés.

"Ils nous ont demandé de creuser nos propres tombes", se remémore M. Nyingi, qui a passé neuf ans dans les camps de travaux forcés mis sur pied par les Britanniques au Kenya dans les années 50, lors du soulèvement des Mau Mau contre le colonisateur.

"Quand nous avons refusé, ils nous ont tellement battu que je n'avais plus de peau sur le dos", ajoute le vieil homme aux cheveux blancs.

Agé de 84 ans, M. Nyingi réclame à présent des excuses officielles et la mise en place d'un fond de compensation par le gouvernement britannique dans le cadre d'une procédure judiciaire actuellement en cours à Londres, aux côtés de trois autres plaignants.

Les quatre survivants ont dénoncé dans leur plainte le recours systématique à la violence, des tortures, des cas de castration, de viol et le travail forcé.

Mais le temps joue en défaveur des quatre victimes présumées, toutes octogénaires.

"Chaque jour, chaque semaine, chaque mois qui s'écoule sans décision sur la plainte accentue un peu plus la crainte que nos clients ne verront pas de leur vivant l'issue de la procédure, quelle qu'elle soit", explique à l'AFP leur avocat Martyn Day.

Plus de 10.000 Kényans furent tués entre 1952 et 1960 pendant le soulèvement des Mau Mau, un groupe rebelle issu et agissant au nom de la communauté Kikuyu.

Mais selon le ministère britannique des Affaires étrangères, ces plaintes ne sont pas recevables car la responsabilité juridique a été transférée au gouvernement kenyan lors de l'indépendance en 1963.

"Un jour, ils ont dénombré 12 cadavres de personnes qu'ils avaient battues à mort, mais ils se trompaient, l'un des corps était le mien", se souvient M. Nyingi, assurant n'avoir jamais transporté d'arme à feu alors qu'il faisait campagne pour l'indépendance du pays.

Les collines verdoyantes et les forêts luxuriantes de cette région située juste au nord de Nairobi furent très prisées des colons britanniques dont la politique d'expropriation créa un fort sentiment d'injustice au sein de la communauté kikuyu.

"Ils nous ont volé notre terre", explique Elizabeth Wamaitha, 79 ans, elle-même détenue avec son bébé dans un camp de travail pendant trois ans après l'enrôlement de son mari dans les rangs des Mau Mau, dans les forêts recouvrant les contreforts du Mont Kenya.

Arrêtée avec son bébé de trois mois, elle n'avait pas été autorisée à aller chercher son autre enfant de quatre ans resté à la maison.

"Je n'ai pas eu le temps de lui dire au revoir (...) et quand on m'a relâchée, on m'a dit que mon enfant était mort", ajoute-t-elle.

Les combattants Mau Mau terrorisèrent les familles de colons installées dans la région, tuant 32 Blancs.Mais des milliers de Kényans furent éliminés pendant la répression.

La rébellion Mau Mau créa également des divisions au sein des populations locales, des Kényans noirs ayant participé, pour le compte de l'administration coloniale, à la répression.

James Muchemi, 81 ans dont cinq dans un camp de travail forcé, porte encore les cicatrices des coups de machettes portés par un soldat kényan, aux jambes et à la tête.

"Mon corps me fait encore souffrir (...) mais nous avons pardonné à nos frères kényans.Les Britanniques étaient les donneurs d'ordre", explique-t-il, ajoutant ne jamais avoir fait partie des Mau Mau.

Une nouvelle série d'audiences est prévue fin février à Londres: la cour examinera une requête du gouvernement britannique visant à déclarer prescrits les faits visés.

En attendant, Bartholomew Wanyiki, un survivant de 80 ans, se veut confiant, lui qui suivit des études en Grande-Bretagne après avoir passé cinq ans en détention au Kenya: "Je sais que les Britanniques sont des gens comme il faut.Laissons-les prouver leur bonté avant qu'il ne soit trop tard".

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