Ouganda: sur les marchés de Kampala, les pauvres se démènent contre la vie chère

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KAMPALA (AFP) - (AFP)

Comme la plupart des mères de son quartier délabré de Kampala, Rose Awino ne craint plus seulement le jour du mois où son loyer de 20 dollars doit être payé.Les prix ont tellement grimpé en Ouganda qu'elle redoute aussi désormais ses deux visites hebdomadaires au marché.

"Tout est devenu tellement cher ici, la vie est de plus en plus difficile," se plaint la jeune femme de 23 ans, toujours inquiète de ne pas avoir assez pour nourrir ses trois jeunes garçons.

En octobre, l'inflation était sur un an de 30%, un record en près de vingt ans.Les seuls prix alimentaires ont eux grimpé de 45%. "Le niveau de vie de nombreux Ougandais a reculé, en particulier celui des plus pauvres," commente Frederick Golooba-Mutebi, politologue à l'université Makerere de Kampala.

Rose Awino avait auparavant son propre petit étal, où elle vendait tomates et oignons à des femmes au foyer de son quartier, dans le district tentaculaire de Konge, en bordure de la capitale ougandaise. Mais avec la hausse des prix, sa clientèle a fondu.Sa famille ne vit plus qu'avec les quelque 40 dollars qu'elle gagne chaque mois pour un emploi à mi-temps de femme de ménage.

L'inflation a pris de telles proportions que la rue s'est emparée du problème cette année.En avril, le chef de l'opposition Kizza Besigye a pris la tête d'une série de manifestations contre la vie chère, souvent durement réprimées par les autorités: au moins dix personnes ont été tuées.

La protestation a en partie été alimentée par le sentiment que les élites au pouvoir avaient gaspillé d'importantes ressources pour assurer leur réélection en février, négligeant le problème de l'inflation.

Le mouvement protestataire s'est aujourd'hui essoufflé, en raison, disent les défenseurs des droits de l'Homme, d'une répression continue des autorités ougandaises : inculpation pour trahison de personnes critiques envers le régime, placement en résidence de M. Besigye.

Mais pour M. Golooba-Mutebi, dans cette lutte contre l'inflation, le gouvernement a failli."Ils ont refusé de réduire les taxes sur l'essence, le diesel, et d'autres marchandises de base, cela a entraîné un ressentiment du public," dit-il.

De son côté, le gouvernement affirme avoir les mains liées: il met en cause des facteurs externes, comme la hausse mondiale des prix du pétrole, et une demande accrue en denrées alimentaires dans les pays voisins en raison de la récente sécheresse.

"Le gouvernement a raison: ces dernières années, les économies mondiales ont été instables, cela a touché l'Ouganda," estime Stephen Biraahwa, président du comité des Affaires économiques du Parlement, et membre du parti au pouvoir."Mais nous devons tout de même faire plus, trouver des politiques nationales originales en matière de consommation et essayer de dynamiser la production."

La Banque centrale ougandaise a récemment augmenté ses taux d'intérêt pour soutenir la monnaie nationale.Le shilling ougandais est tombé à son plus bas historique contre le dollar en septembre.

Mais si les économistes ont salué le geste, ils doutent qu'il ait un impact rapide sur les prix.

"Toute politique monétaire a un effet à retardement," pointe Grace Makako, responsable des marchés financiers pour la banque Standard Chartered en Ouganda, avant de prévoir des temps encore difficiles en 2012.

Mais pour Rose Awino, c'est au jour le jour que le problème se mesure.

"Je ne sais pas quoi faire," confie-t-elle, en coupant une petite pile de tomates pour son prochain, maigre, repas."Et bientôt, il faudra payer pour les frais scolaires aussi (...) Je ne sais pas si je peux me le permettre."

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