Dans un camp de Rumbek, 61 familles attendent les terrains promis par le tout nouveau Soudan du Sud.Parties de Khartoum pour rentrer "à la maison", leur arrivée dans l'un des pays les plus pauvres du monde leur laisse parfois un goût amer.
Dans ce centre de transit géré par le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés, les familles ne devraient rester que quelques jours.Certaines sont là depuis trois mois.
Dans des hangars faits de briques ou de bois et de plastique, leurs affaires sont entassées au pied d'enfilades de lits, dans des valises et d'immenses sacs.De Khartoum, elles ont emmené tout ce qu'elles pouvaient.
"Nous envisageons d'étendre (le centre), nous avons besoin de plus de place," glisse le responsable local du HCR, Xhemil Shahu : le flot d'arrivées devrait se poursuivre dans les prochains mois.
Les Sud-Soudanais reviennent participer à l'histoire de leur pays, mais ils fuient aussi, disent les autorités, une insécurité, au Nord, en matière d'emploi et de statut. A l'indépendance, le 9 juillet, le Soudan a donné aux Sud-Soudanais neuf mois pour partir ou légaliser leur séjour.L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) veut, elle, accélérer les rapatriements face à la nouvelle escalade de tensions entre Khartoum et Juba, la capitale du Soudan du Sud.
Les Sud-Soudanais sont déjà plus de 340.000 à avoir quitté le Nord depuis octobre 2010.Dans le seul Etat de Lakes (centre), dont Rumbek est la capitale, l'OIM estime à plus de 17.000 ceux rentrés en un an.
Les familles se frottent pourtant vite aux difficiles conditions du retour. En août, dans le centre de transit, les nouveaux arrivants recevaient trois mois de nourriture, selon M. Shahu.Depuis, les rations ont été divisées par trois.
"J'ai dû vendre des affaires pour acheter de la nourriture," déplore Debora Agum David.A l'indépendance, elle a voulu venir ici et compte rester."C'est mon pays," dit-elle, mais elle s'attendait à "ce que la vie soit meilleure". A Khartoum, où elle est restée 22 ans, cette mère de sept enfants était infirmière.A Rumbek, ses perspectives d'emploi sont minces.Elle a tenté sa chance à l'hôpital local, en vain.Elle parle maintenant d'ouvrir un commerce.
Chômage, services publics déficients, infrastructures quasi-inexistantes, le changement est brutal pour les Sud-Soudanais longtemps restés à Khartoum.
Malgré d'importantes réserves pétrolières, le Soudan du Sud a pris un retard économique considérable par rapport au Nord.Selon la Banque mondiale, la moitié de sa population de plus de 8 millions d'habitants vit sous le seuil de pauvreté.
La faute à Khartoum, qui n'a "jamais investi dans le Sud", accuse le gouverneur de l'Etat de Lakes, Chol Tong Mayay.
Ceux qui reviennent du Nord "venaient de zones urbaines et s'attendaient à trouver (au Sud) les mêmes types de services", mais ils étaient prévenus que ce n'était pas le cas, renchérit Philip Kot Job, de la Commission aide et réhabilitation.
En attendant, les autorités de Rumbek disent faire leur possible pour les nouveaux arrivants.Pendant deux ans, les terres allouées ne seront pas taxées. Mais dans les familles, la frustration est palpable.
Légèrement à l'extérieur de Rumbek, Ajak Majok campe, avec 180 autres personnes, sur un terrain temporairement mis à disposition par les autorités.Elle préfère rester là plutôt que de déménager sur le terrain qui leur est réservé.
"Ici, c'est plus près de la route principale, si quelqu'un est malade, on peut toujours courir à l'hôpital", dit-elle.Le nouvel endroit est "trop éloigné".
Au-delà des problèmes matériels, certains sentent aussi parfois de l'hostilité à leur égard : à Khartoum, ils ont pu travailler pour la police ou l'armée pendant les longues années de guerre civile Nord-Sud.Ils s'y sentaient déjà parfois regardés du coin de l'oeil, et sentent une autre méfiance de retour chez eux. Akuocpir Achol, le chef de la communauté où vit Ajak Majok, a conscience de ce qui peut se dire derrière leur dos.Mais "ma priorité, c'est de m'installer, de contribuer positivement au développement du pays," poursuit-il calmement.
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