La poussée des islamistes lors des élections législatives en cours en Egypte pèse sur l'économie du plus peuplé des pays arabes, qui plonge déjà depuis le début de l'année, estiment des spécialistes.
Le Premier ministre Kamal el-Ganzouri, nommé par le conseil militaire au pouvoir, a promis de faire du rétablissement de la sécurité et du redressement de l'économie sa toute première priorité.
Mais "la fonte des réserves en devises et le repli du tourisme compliquent sérieusement la situation économique", explique à l'AFP Samer Souleimane, professeur d'économie à l'Université américaine du Caire.
La poussée islamiste, notamment celle des fondamentalistes salafistes, tenants d'un islam rigoriste, au début de législatives qui vont durer plusieurs mois, n'est pas non plus de nature à rassurer investisseurs étrangers et touristes occidentaux.
"Les scores importants des partis islamistes lors de la première phase des élections législatives rendent frileux les investisseurs", ajoute-t-il. "La vulnérabilité économique du pays est immense.Le gouvernement est face à des choix compliqués", commente un diplomate occidental sous couvert de l'anonymat.
Mohsen Rechad, guide touristique et patron d'un petit hôtel au Caire, est également inquiet, notamment après les déclarations des salafistes pour imposer le foulard aux touristes étrangères, leur interdire d'aller à la plage en maillot de bain, ou encore bannir l'alcool des stations touristiques.
"Cette vague islamiste va avoir un impact négatif sur le tourisme surtout s'ils décident de légiférer sur l'interdiction de l'alcool ou de certains vêtements, notamment sur la côte", affirme-t-il.
Près d'un millier d'employés de l'industrie touristique se sont rassemblés vendredi devant les pyramides de Guizeh pour protester contre ces déclarations.
Le secteur du tourisme, autrefois locomotive de l'économie avec près de 15 millions de visiteurs en 2010, a plongé avec les troubles du début d'année, et peine toujours aujourd'hui à remonter la pente.
La chute des recettes touristiques contribue à la fonte des réserves en devises du pays, qui sont passées depuis le début de l'année de 36 à 20 milliards de dollars.
L'armée au pouvoir depuis la chute de Hosni Moubarak a fait savoir qu'elle avait puisé dans ses propres fonds un milliard de dollars pour renflouer les réserves de change déclinantes de la Banque centrale.
Ces réserves pourraient atteindre le chiffre critique de 15 milliards en février, seuil à partir duquel il deviendra difficile d'assurer l'importation de produits essentiels pour la population, en particulier le blé dont l'Egypte est le plus gros importateur mondial avec quelque 10 millions de tonnes. Les investissements étrangers ont quant à eux reculé de 67,6% cette année, à 2,2 milliards de dollars contre 6,8 milliards l'année dernière.
"L'économie restera faible sous ce nouveau gouvernement, à cause de l'instabilité sociale et politique", estime elle aussi Alia Mamdouh, analyste économique à la Banque égyptienne d'investissement CI Capital.
Loin des taux de 5 à 7% d'autrefois, "la croissance du PIB égyptien pour l'année budgétaire 2011/2012 est inférieure à 2%, bien moins que ce que le gouvernement avait annoncé auparavant, en évoquant 3,2%", souligne-t-elle.
"Il est également prévu d'augmenter le déficit budgétaire au cours du présent exercice pour atteindre 10,6% du PIB, contre un objectif de déficit fixé à 8,6% par le gouvernement", relève-t-elle encore.
Le nouveau ministre des Finances, Moumtaz Saïd, a toutefois assuré qu'il était encore "trop tôt" pour dire si son pays allait recourir à un prêt de 3,2 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI) pour faire face à ces difficultés.
L'agence de notation financière Standard & Poors vient d'abaisser d'un cran fin novembre la note souveraine de l'Egypte, qui passe de "BB-" à "B+".Les analystes n'excluent pas de nouvelles dégradations, S&P ayant également placé le pays sous perspective négative.
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