L'Italie s'interrogeait mercredi sur le geste d'un militant d'extrême droite qui a tué mardi deux vendeurs ambulants sénégalais sur deux marchés de Florence, oscillant entre la thèse de l'acte isolé d'un déséquilibré et des comparaisons avec la tuerie d'Oslo.
"Nous sommes seulement en présence d'un individu qui, avant de tuer des pauvres gens à coups de feu, avait déjà montré qu'il n'était pas entièrement sain d'esprit.Un fou, rien de plus", relativise l'éditorialiste Vittorio Feltri dans Il Giornale (droite), quotidien de la famille Berlusconi.
Une analyse prise en contrepied dans Repubblica (gauche) par Adriano Sofri, qui lance une mise en garde dans un éditorial: "Ne traitons pas de fous nos Breivik", en allusion à l'auteur du massacre de 77 personnes en Norvège le 22 juillet.
Il dénonce les "errements idéologiques qui ont conduit Breivik, dans sa croisade contre les corrupteurs de la race, à tuer de jeunes Norvégiens et (le tueur de Florence Gianluca) Casseri à passer du fantasme anti-juif au massacre de Sénégalais".
Contre la thèse de l'acte isolé, il rappelle le pogrom anti-Roms déclenché samedi à Turin après l'annonce d'un viol inventé par une Italienne de 16 ans: une horde déchaînée avait mis le feu à un camp de Roms dans la banlieue de la métropole piémontaine.
Dans les colonnes du quotidien La Stampa (modéré), l'éditorialiste Gianni Riotta va encore plus loin: "Existe-t-il un lien entre la crise du débit européen, l'impuissance manifestée lors des sommets et la tragédie de Florence?"
Gianluca Casseri, qui s'est suicidé à l'issue de son expédition sanguinaire, était membre de Casa Pound, une organisation d'extrême droite qui nie tout racisme et s'est fortement dissociée de son geste.Casseri était auteur de livres de science-fiction mais aussi d'essais antisémites: dans les "Protocoles du sage d'Alessandria", il niait notamment l'existence de l'Holocauste.
Face à cette tragédie, la classe politique s'est montrée unanime pour condamner "la folie raciste et xénophobe d'un geste isolé", selon les propres mots du maire de Florence Matteo Renzi, étoile montante de la gauche transalpine.
Cette affaire "ne correspond pas à Florence (...) une ville ouverte, plurielle", a-t-il affirmé."Cet homme est parti avec l'idée de tuer, cela aurait pu se produire n'importe où", a assuré le maire, tout en avouant craindre "le fanatisme qui alimente la violence et sème la mort".
Le maire a proclamé une journée de deuil et les commerçants ont abaissé leurs rideaux de fer pendant dix minutes par solidarité avec les victimes.
Mercredi après-midi, le maire devait rencontrer des délégués de la communauté sénégalaise.Le représentant de la communauté sénégalaise de Florence Pape Diaw a demandé que "le racisme ne soit pas traité de manière superficielle par les institutions" italiennes.
Au niveau national, la Chambre des députés a observé une minute de silence lors de ses travaux et le président de la République Giorgio Napolitano a condamné un "assassinat barbare".Le gouvernement sénégalais s'est déclaré indigné par "le meurtre odieux" et décidé à "faire toute la lumière sur cette affaire".
La communauté sénégalaise de Florence compte quelques milliers de membres, souvent actifs dans la vente ambulante, comme d'ailleurs dans le reste de l'Italie, où il est courant de voir des marchands à la sauvette sénégalais chargés de sacs de contrefaçon, notamment dans les centres touristiques.
Leur présence est généralement bien acceptée, tout comme celles des footballeurs du Sénégal évoluant dans le championnat italien: "Moi ici j'ai été bien accueilli depuis le début, je n'ai jamais été victime d'épisodes de racisme", a ainsi témoigné Khouma Babacar, joueur de la Fiorentina.
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