Le décès d'un habitant de Gafsa qui s'est immolé par le feu symbolise tragiquement la situation dans les régions déshéritées du centre de la Tunisie, ravagées par le chômage, où rien n'a été réglé un an après la révolution qui a chassé Ben Ali du pouvoir.
Plusieurs tentatives d'immolation par le feu ont eu lieu en Tunisie au cours de l'année écoulée.L'acte revêt une très forte charge symbolique car c'est l'immolation de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant de Sidi Bouzid (centre) qui avait déclenché la révolution tunisienne le 17 décembre 2010.
Ammar Gharsalla, un quadragénaire père d'un enfant de huit ans, souffrant de brûlures étendues au troisième degré est décédé lundi à l'hôpital pour grands brûlés de Ben Arous, en banlieue sud de Tunis.
Il s'était couvert de diluant et incendié devant le gouvernorat de Gafsa jeudi, le jour où trois ministres du nouveau gouvernement tunisien étaient en visite dans la région.L'homme faisait avec d'autres chômeurs un sit-in depuis plusieurs jours et avait demandé à rencontrer les ministres.
"Mon frère qui vit dans la pauvreté, après avoir été viré de son travail juste après la révolution, a voulu parler de sa situation à ces ministres mais en vain.Désespéré il a tenté de se suicider", a déclaré à l'AFP Hassan Gharsalla.
"Aucun des ministres n'a pris la peine de rendre visite à mon frère pendant son hospitalisation à Tunis", a-t-il ajouté, en demandant aux autorités de "faire au moins quelque chose pour son fils et son épouse".
"La révolution a été accomplie dans l'espoir que la dignité soit retrouvée.Les Tunisiens, notamment les jeunes pensaient trouver l'emploi et des perspectives d'avenir mais depuis la révolution la situation économique et sociale s'est aggravée et détériorée et les régions intérieures ont été totalement abandonnées", a analysé l'économiste Mohamed Ben Romdhane.
Tension sociale extrême
La région de Gafsa, qui vit essentiellement de l'extraction des phosphates, est l'une des plus défavorisées de la Tunisie et a connu en 2008 six mois d'émeutes souvent considérées comme les prémices de la révolution de 2010/2011.
Selon M. Ben Romdhane, le nombre de chômeurs est passé de 500.000 en 2010 à 800.000 aujourd'hui et le nombre de diplômés "a augmenté encore de manière plus rapide" passant de 130.000 fin mai 2010 à 240.000 en 2012.
Un diplômé sur deux est au chômage à l'intérieur du pays et "les perspectives qui pourraient donner espoir à ces jeunes ne se pointent pas à l'horizon", dit-il.
"Il y a une situation de tension sociale extrême.Les attentes sont énormes et les nerfs sont à vif", avait déclaré à l'AFP le ministre tunisien des Affaires sociales Khalil Zaouia au lendemain de sa visite à Gafsa, en compagnie des ministres de l'Industrie Mohamed Lamine Chakhari, et de l'Emploi Abdelwahab Maatar.
Le suicide du Ammar Gharsalla "montre la profondeur de la détresse des gens dans notre pays, même s'il est vrai que la situation socio-économique ne va pas s'améliorer du jour au lendemain", explique M. Ben Romdhane.
Deux jours après M. Gharsalla, un autre homme âgé d'une cinquantaine d'années avait tenté lui aussi de s'immoler par le feu devant le gouvernorat de Bizerte au nord du pays.
"Aujourd'hui, la propagande officielle veut faire passer ces désespérés pour des provocateurs.Il faut en prendre garde et écouter les gens surtout les jeunes", avertit M. Ben Romdhane.
"Nous devons nous mobiliser tous pour restaurer l'espoir dans ce pays", souligne-t-il.
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