"Bien sûr que je me considère de la classe moyenne !", explique Daniel Minkoh, 33 ans, en souriant entouré de sa femme et de ses trois enfants.Avec un salaire de 900 euros, "Dany" fait partie de ceux qui ont bénéficié du développement soutenu du Gabon depuis dix ans.
Ecran plat, parabole satellite, ordinateur portable: l'intérieur de la maison de "Dany" est loin des clichés véhiculés sur l'Afrique.
Pourtant, avec un emploi dans le transport logistique, il ne fait pas partie des classes les plus aisées du Gabon.Il est plutôt emblématique d'une classe moyenne en essor dans ce pays pétrolier connu autrefois, comme beaucoup de pays africains, pour ses criantes inégalités.
Un tiers des Africains font partie maintenant des classes moyennes, en essor grâce à deux décennies de croissance économique et une certaine réduction des inégalités, selon la Banque africaine de développement (BAD).
Au Gabon, 75% de la population est considérée comme appartenant à la classe moyenne, 37% de façon stable, selon ce rapport.
"J'ai le salaire d'un fonctionnaire.Je suis propriétaire depuis dix ans.J'ai eu la chance d'avoir une maison", explique Dany.
Située au centre ville de la capitale, elle lui a été offerte lors de la campagne présidentielle de 2005 par le défunt président Omar Bongo, qui avait l'habitude de faire des "cadeaux" pour faire oublier la mauvaise répartition de l'argent du pétrole.
En périphérie, certaines pistes en terre ont laissé la place à des routes bitumées bordées de nombreuses maisons en construction, comme dans le quartier d'Angondjé, où Eric Ngabouna, un entrepreneur de 40 ans, travaille sur une quinzaine de chantiers.
Le développement des constructions à Libreville, "nous le ressentons surtout depuis deux ans", affirme l'entrepreneur, qui se considère lui aussi de cette "classe émergente".
L'existence d'une classe moyenne au Gabon marque un changement de mentalité vis-à-vis du système, selon lui: "nous essayons de sortir de la léthargie et de ne pas tout attendre de l'Etat".
Lui aussi est propriétaire de sa maison et gagne, selon l'état de ses affaires, "une brique" les bons mois (1 million de FCFA, 1.500 euros).
Le seuil retenu pour faire partie de la classe moyenne ne permet pas de mener grand train à Libreville, 7e ville la plus chère du monde selon le cabinet Mercer.
"C'est pas toujours facile de s'en sortir avec un seul salaire, surtout que (...) le coût de la vie est assez élevé à Libreville", souligne Daniel, qui, à côté de son travail dans la logistique, a monté avec un associé une société qui commercialise de petits bracelets aux couleurs du Gabon.
Une classe moyenne difficile à identifier
"On a raison de pointer une tendance, mais on va vite en besogne" si on pense que les problèmes de l'Afrique sont réglés, estime le sociologue gabonais Anaclé Bissielo.
Car dans le quatrième pays producteur de pétrole de l'Afrique sub-saharienne, 33% des 1,5 million de Gabonais vivent sous le seuil de pauvreté, selon le programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Aucun chiffre officiel sur cette classe moyenne ne sort des ministères.
Alors que le secteur privé offre surtout des emplois non qualifiés et mal rémunérés, la classe moyenne est issue principalement des 70.000 employés de la fonction publique, en particulier des fonctionnaires supérieurs avec un salaire tournant autour de 500 euros par mois.
Pour améliorer leur ordinaire, nombre d'entre eux utilisent des "stratégies informelles", comme "la corruption", selon le sociologue Anaclé Bissielo.
"Le fonctionnaire va vous faire revenir deux fois, trois fois, quatre fois pour vous faire comprendre à mots couverts que vous devez sortir mille francs (1.50 euros), c'est la stratégie" lorsque les négociations officielles pour obtenir de meilleurs salaires n'ont pas abouti, explique-t-il.
Dans les rues de Libreville, les signes extérieurs de richesse ne manquent pas: téléphones mobiles dernier cri, 4X4 haut de gamme...Ils sont souvent les voitures de fonction de fonctionnaires ou d'employés d'entreprises publiques, et on les retrouve garés le soir venu dans les quartiers populaires où l'eau et l'électricité sont rares.
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