En janvier-février 2011 sur la place Tahrir, au Caire, il filmait le soulèvement populaire contre Hosni Moubarak.Un an plus tard, le cinéaste Yousry Nasrallah boucle "Après la bataille" (qui semestre 2012) dans l'amertume d'une révolution qu'il juge confisquée.
En mai dernier, le festival de Cannes avait célébré les révolutions arabes en projetant "Dix-huit jours", dix courts-métrages auxquels il avait participé racontant les dix huit jours de manifestations - entre le 25 janvier et le 11 février- qui allaient provoquer la chute de Moubarak.
"Un an après, la question n'est pas d'être optimiste ou pessimiste.Tout le monde le sent: on confisque la révolution", explique-t-il dans un entretien à l'AFP à l'approche du premier anniversaire du 25 janvier.
On ? L'armée essentiellement: "ils sont prêts à tout pour garder la place.Mais la nouveauté, c'est de pouvoir en parler alors qu'ils agissaient dans l'ombre et le silence" sous l'ordre ancien.
Pour Yousry Nasrallah, "la situation aujourd'hui pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses" sur l'avenir de ce pays, dont il n'a cessé de capter l'esprit et les drames depuis ses débuts au côté du grand homme du cinéma égyptien, Youssef Chahine.
C'est cette ambivalence de l'entre-deux, au moment où l'ancien monde vacille mais résiste encore, que retient sa caméra dans "Après la bataille".
Le film suit l'un de ces chameliers et cavaliers des pyramides qui, privés de touristes et donc de moyens de subsistance pendant la révolution, fondirent un beau jour sur la Place Tahrir pour charger les insurgés.
"J'avais vu tourner ces images en boucle sur les écrans de télévision, cent fois: moins de vingt cavaliers armés de fouets.Mais la même nuit, a eu lieu un vrai massacre sur la place, avec des coups de feu et des tirs: à ce jour, il n'y a toujours pas eu d'enquête pour savoir d'où venaient ces tirs", constate le cinéaste.
"On a instrumentalisé ces pauvres bougres.Les hommes de Moubarak ont essayé de les tromper et les images des chameliers ont caché des images d'une tout autre violence".
"Moi je ne veux pas participer à ça.Mon film est justement centré sur quelqu'un qui essaie de regagner sa dignité après tant de mépris.Parce que le 25 janvier, quand nous sommes descendus place Tahrir, c'était pour réclamer trois choses: du pain, la liberté et la dignité de la personne humaine", insiste-t-il.
Yousry Nasrallah a tourné "Après la bataille" entre mai et octobre 2011: "La décision était d'écrire et de filmer au fur et à mesure que l'histoire avance, entre le référendum (sur la réforme constitutionnelle) de mars et les élections législatives".
"J'avais envie de filmer cette réalité en me demandant: que se passe-t-il quand un système et ses chefs de clans s'effondrent ? par quoi le remplace l'Egyptien moyen ?" - d'où le double fil conducteur du chamelier et de sa femme et d'une jeune militante engagée et libérée.
Il a finalement arrêté la narration aux manifestations des chrétiens, en octobre: "là je me suis dit, c'est terminé: l'armée a clairement pris position contre la révolution".
Vingt-cinq personnes, dont une majorité de Coptes, ont été tuées le 9 octobre lors d'une marche pacifique rassemblant des milliers de Coptes au centre du Caire.
Pour Yousry Nasrallah, l'armée, encore elle, a une nouvelle fois instrumentalisé la violence contre cette communauté."Alors que les Coptes commençaient justement à se mobiliser comme citoyens, et non pas en tant que communauté".
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