Le procès du Junior, cargo arraisonné par la Marine française dans le golfe de Guinée en 2008 avec plus de 3 tonnes de cocaïne à bord, a souligné vendredi l'importance croissante de l'Afrique dans le trafic vers l'Europe.
"On estime à un tiers le volume de la cocaïne pour l'Europe qui passe désormais par l'Afrique", a indiqué devant la cour d'assises spéciale de Rennes le commissaire François Thierry, chef de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) de la police judiciaire française.
Le marché européen, en pleine expansion, absorbe 280 à 300 tonnes de cocaïne par an, soit un gros quart de la production mondiale, selon l'OCRTIS.
"La route principale par les Caraïbes étant de plus en plus contrôlée, la route africaine est en plein essor depuis dix ans", a témoigné M. Thierry, confirmant une tendance mise en lumière depuis quelques années par l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), basé à Vienne.
"La côte ouest de l'Afrique, c'est une zone de 16 pays sans vraie cohésion politique et répressive, et avec un état de nécessité réel (de couches de la population).Cela ne coûte pas cher d'y stocker de la drogue, et c'est moins dangereux qu'ailleurs", a détaillé le policier.
Le Junior, cargo immatriculé au Panama et normalement dédié au cabotage, avait été arraisonné le 7 février 2008 après avoir pris livraison, en plein océan Atlantique, de 3,1 tonnes de cocaïne acheminée par un bateau brésilien.
Douze accusés originaires de Grèce, du Sierra-Leone et de Guinée-Bissau sont jugés jusqu'au 10 février à Rennes dans le cadre de cette prise, la deuxième plus importante jamais réalisée par la Marine française.
Illustration de l'essor du trafic de drogue sur la côte africaine: la multiplication de pêcheries suspectées de servir de paravent à cette activité, a estimé M. Thierry.
Mais l'acheminement de la drogue d'un continent à l'autre reste le maillon faible du trafic."C'est le seul endroit de la chaîne où d'aussi grandes quantités sont concentrées", a relevé le policier.
D'où une focalisation de la coopération internationale sur cet échelon.L'arraisonnement du Junior avait ainsi eu lieu grâce à un renseignement des garde-côtes grecs, transmis à la France par le Service de coopération technique international de police (SCTIP).
Du côté des trafiquants, "les commanditaires sont rarement sur les bateaux.Mais, vu les intérêts considérables en jeu, ils ont toujours au moins un homme de confiance à bord", a rappelé M. Thierry.
Pour la commissaire Emmanuelle Oster, qui avait codirigé l'enquête, ce rôle pourrait avoir incombé à trois des accusés, qui ont pris le commandement du bateau juste avant son appareillage.
Il s'agit des Grecs Vassis Sokratis, "capitaine" au faux permis hauturier, et Dimitrios Bardoulis, officier mécanicien et vrai maître à bord présumé, ainsi que du Bissau-Guinéen Manuel Ardiles Da Costa, qui, selon l'accusation, a été spécifiquement chargé de contrôler le transbordement de la cocaïne.
Quant aux six autres marins, tous Africains et dont cinq sont libres, "ils ont exécuté les tâches qui leur étaient demandées" et n'ont été informés du caractère illicite du voyage qu'une fois en mer, selon la policière, qui a précisé qu'ils avaient, alors, exigé une prime substantielle.
Deux organisateurs grecs présumés comparaissent également à Rennes, un troisième, en fuite, étant jugé par contumace.
Jugé dans son propre pays, l'armateur grec du navire, Nikolaos Kornilakis, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en juillet 2009.
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