A l'extérieur du service des grands brûlés de l'hôpital de Mulago, à Kampala, Darlison Kobusingye rajuste avec précaution le foulard cachant le plus gros des cicatrices qui défigurent toute la partie droite de son visage, stigmates d'une agression à l'acide.
La jeune femme de 24 ans est une des nombreuses victimes de cette arme peu coûteuse, de plus en plus souvent utilisée en Ouganda pour agresser, punir ou se venger.
Son mari, Joseph, un conseiller municipal, se trouvait en sa compagnie.Il est allongé sur un des lits du service surchargé.Enveloppé de bandage, il peut à peine bouger tant la douleur est forte.
"Nous étions assis devant la petite boutique que nous possédons dans notre village quand quelqu'un nous a aspergés d'acide avant de disparaître", raconte Darlison Kobusingye. La police n'a arrêté personne mais la jeune femme, mère d'un enfant, pense que l'ex-épouse de son mari a commandité l'agression.
"Nous avions entendu parler de ces sortes d'attaque dans les journaux, mais nous n'avions jamais vécu quelque chose de ce genre dans notre village", dit Darlison Kobusingye. Les attaques à l'acide se répandent à travers le monde, ciblant souvent les femmes.Et l'Ouganda n'est pas épargné.
L'urbanisation croissante et la perte des valeurs traditionnelles qui l'accompagne, ainsi qu'une défiance généralisée envers la police et le système judiciaire expliquent en partie le recours croissant à cette forme d'agression. "L'abandon des valeurs traditionnelles et l'insuffisance des institutions du pays affectent la façon dont les gens répondent aux problèmes et aux conflits", souligne Peter Atekyezera, professeur de sociologie à l'université Makerere de Kampala.
Selon les médecins de l'hôpital de Mulago, le nombre d'attaque à l'acide est monté en flèche en décembre, avec une quarantaine de cas recensés par les médias locaux.
"Nous constatons une augmentation du nombre de victimes tous les ans lors des fêtes de fin d'année", indique Robert Ssentongo, chirurgien plastique à l'hôpital de Mulago.
Les plus durement touchés doivent rester à l'hôpital pendant des mois et subir plusieurs opérations de chirurgie.
"Ils consomment beaucoup de nos ressources et cela grève le peu de moyens que nous avons mais nous y sommes préparés et ce n'est pas encore une situation de crise", souligne Dr Ssentongo.
L'accès aux produits chimiques devrait pourtant être restreint, estiment plusieurs militants.L'acide utilisé dans les attaques, notamment celui destiné aux batteries de voitures, est facilement accessible dans des endroits comme les stations essences. L'impact sur les victimes est trop important pour être négligé, souligne Prudence Komujinya, cofondatrice de la Fondation ougandaise des survivants de l'acide et elle-même victime de ce produit.
"C'est vraiment, vraiment difficile physiquement, socialement, économiquement et psychologiquement, car les survivants défigurés sont souvent stigmatisés par la société", note-t-elle.
Pour Prudence Komujinya, la police et les tribunaux prennent désormais les cas d'attaques à l'acide plus au sérieux.Mais les efforts fournis pour faire adopter une loi sur l'accès à ce produit sont encore vains. Les victimes luttant pour leur survie dans le service des grands brûlés de Mulago ont, elles, encore un long chemin à parcourir avant de recouvrer leurs capacités.
"Se remettre de l'attaque est le combat d'une vie", note Prudence Komujinya.
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