Un hôpital aux murs criblés de balles, une école envahie d'enfants rieurs, mais aussi des miliciens qui se surveillent du coin de l'oeil et des islamistes en embuscade: la petite ville de Dhobley illustre à elle seule les défis d'une reconstruction de la Somalie.
"La situation est stable, mais ce n'est pas la paix", résume Omar Bile, chirurgien responsable d'une salle d'opération rudimentaire, récemment reconstruite grâce à des donations de la diaspora somalienne après avoir été endommagée par les combats entre milices locales et insurgés islamistes shebab l'an dernier.
A cinq kilomètres de la frontière avec le Kenya, Dhobley, poussiéreuse et misérable, fait partie de ces parcelles de territoire du sud somalien arrachées aux islamistes shebab, dans le cadre d'une offensive menée essentiellement par des forces étrangères (Kenya, Ethiopie et une force de paix de l'Union africaine composée d'Ougandais et de Burundais).
Mais "chaque nuit, on entend des coups de feu", témoigne M. Bile, qui a opéré plusieurs civils, blessés par balles ou lors de bombardements de l'aviation kényane visant des insurgés shebab.
Les soldats kényans, qui ont traversé la frontière en octobre dernier, patrouillent dans la ville, aux côtés de deux milices réputées alliées mais rivales dans les faits. "Certains des coups de feu sont tirés par les miliciens, mais les shebab rodent toujours aux alentours et ils continuent d'attaquer", poursuit M. Bile, à la tête enturbannée dans une blouse, faute de disposer d'un véritable bonnet de chirurgien.
Si les troupes étrangères, épaulées par la jeune armée somalienne, ont gagné des territoires aux shebab depuis plusieurs mois -- dont leur bastion de Baïdoa mercredi --, imposer un retour à la normale dans ces territoires fraîchement conquis s'avère un combat encore plus difficile.C'est un des sujets dont doit débattre une conférence internationale sur la Somalie convoquée jeudi à Londres.
A Dhobley, comme ailleurs, à la guerilla persistante des islamistes s'ajoute la réapparition de chefs de guerre aux loyautés mouvantes et au passé souvent controversé.
"Nous ne nous battons pas pour nous-mêmes, mais pour la paix", jure Ahmed Madobe, un ancien chef de guerre islamiste qui a rompu avec les shebab pour fonder sa propre milice, les Ras Kamboni, qui contrôle une partie de Dhobley.
Par un de ces retournements d'alliance fréquents en Somalie, Madobe envoie aujourd'hui ses hommes patrouiller aux côtés de l'armée kényane, contre ses alliés d'hier les shebab.
Le fragile gouvernement somalien de transition (TFG), dont la souveraineté sur la capitale Mogadiscio repose en quasi-totalité sur la force africaine qui y est stationnée, est à peu près inexistant à Dhobley.
Les soldats qui s'abritent du soleil au pied des acacias, le fusil automatique sur les genoux, sont soit ceux de Madobe, soit ceux de Mohamed Abdi Mohamed, surnommé Gandhi, dont le Kenya a soutenu les tentatives de créer une région autonome appelée Azania.
"On ne se bat pas, mais les choses ne sont pas toujours faciles entre Ras Kamboni et nous (...) il y a des tensions", témoigne Abdulkadir Ali, un partisan de "Gandhi", ancien chargé de recherches à l'université de Besançon (est de la France).
Les habitants de Dhobley craignent que l'alliance des deux milices ne dure qu'un temps."On sent les problèmes venir, il faut que les chefs parviennent à s'entendre sur un partage du pouvoir", souffle un notable, Abdullahi Mutawakal, qui relève maintenant des dissenssions au sein même de chacune des deux formations.
"Il faut qu'il y ait un accord politique, car les gens ici en ont vraiment assez de la guerre", ajoute-t-il. En attendant, des enfants aux uniformes impeccables récitent leur leçons ou jouent dans l'école locale récemment repeinte. "Les choses se sont énormément améliorées récemment", constate Abdulkadir Mohamed, qui est revenu il y a quatre mois à Dhobley, fui au plus fort des combats."Il y a encore des attaques, mais nous prions pour qu'elles aillent en diminuant, et pas l'inverse".
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