Julius Malema, tribun provocateur et porte-voix des déshérités, exclu la semaine dernière par l'ANC, continue à s'accrocher à sa fonction de président de la Ligue de jeunesse, d'autant plus vigoureusement que les analystes ne lui prédisent aucun avenir en Afrique du Sud en dehors du parti au pouvoir.
Lundi, les "jeunes lions" de la Ligue ont annoncé qu'ils feraient appel de la sanction visant leur leader, et prévenu que s'il le fallait, ils "auraient un président de la Ligue de jeunesse non membre de l'ANC".
Dans une interview à la radio en soirée, Malema, 31 ans, a dénoncé ses adversaires au sein même du parti: "Ce sont ceux qui s'opposent à la Ligue de jeunesse qui veulent diviser l'ANC.Ces forces travaillent jour et nuit à saper la libération économique (...) certains sont au service des capitalistes blancs", a-t-il accusé.
Malema, qui mène un train de vie luxueux, s'est fait le chantre de ceux qui estiment que l'ANC ne va pas assez vite ni assez loin pour gommer les immenses inégalités qui minent le pays, dix-huit ans après la fin du régime de l'apartheid.
Mais sa rhétorique volontiers raciste et son acharnement à réclamer la nationalisation des mines et l'expulsion des riches fermiers blancs ont fait peur aux investisseurs, mis l'ANC en porte-à-faux, et lui ont finalement valu son exclusion.
Tous les analystes interrogés par l'AFP doutent fortement cependant de sa capacité à entraîner avec lui davantage qu'une poignée de gens -- les actuels dirigeants de la Ligue -- et à créer une formation qui puisse changer la donne des élections de 2014.
"On verra comment ça se passe dans deux ans, mais je me demande qui ces types représentent", estime Paul Graham, de l'institut pour la démocratie en Afrique du Sud (Idasa).
"Malema a bâti une direction de la Ligue de jeunesse qui lui est acquise.Mais quand il sera mis sur la touche par l'ANC, qu'il n'aura plus accès aux ressources du parti et ne pourra plus voyager, il perdra son influence, et je doute que beaucoup de jeunes descendent dans la rue pour lui".
"changements radicaux"
"Pour l'instant, on voit mal Malema créer avec succès un grand parti distinct de l'ANC", estime également Lucy Holborn, directrice de recherches à l'Institut pour les relations entre les races (SAIRR).
"La ligne officielle de la Ligue de jeunesse est certes de conserver Malema, mais sa réélection a été entachée par des allégations de fraudes, et même dans la Ligue, il y a des gens ravis de s'en débarrasser", ajoute-t-elle.
Si l'ANC peut se payer le luxe de perdre un Malema, la désaffection de la jeunesse envers le parti qui a libéré le pays de l'apartheid est en revanche un écueil plus difficile à contourner, estime M. Graham.
Majoritaires, les Sud-Africains de moins de 25 ans sont moins sensibles que leurs aînés au discours sur le rôle historique de l'ANC.Cette jeunesse attend en revanche du parti au pouvoir qu'il s'attaque aux maux de la société sud-africaine, à commencer par le chômage et un système éducatif très inégalitaire.
"Les jeunes demandent respect et reconnaissance.Ils veulent qu'on les écoute", a martelé Malema lundi soir.
Fondée en 1944 par Nelson Mandela, la Ligue de jeunesse a toujours porté des revendications de changement plus radicales que la vieille garde de ce parti, pionnier des luttes de libération sur le continent et né en 1912.
"La grande question derrière le phénomène Malema", analyse Mme Holborn, "c'est que l'ANC perd le contact non seulement avec la jeunesse, mais avec les gens ordinaires, jeunes ou vieux, qui ont le droit de vote et l'égalité sur le papier mais ne voient pas assez de changements dans leur vie quotidienne, ni la réalisation des trop nombreuses promesses faites par l'ANC".
"Même si je pars, a mis d'ailleurs en garde Malema, la Ligue de jeunesse va continuer à réclamer des changements radicaux.La Ligue a besoin d'un président radical et militant".
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