A 85 ans, Fatai Rolling Dollar est l'artiste le plus fringant de la scène nigériane.Après un long passage à vide, l'icône de la musique "Highlife" est revenu la tête pleine de projets et son jeu de jambe est intact.
La popularité de l'octogénaire s'est estompée avec le déclin de ce courant musical qui dominait l'Afrique de l'Ouest dans les années 60, mais il continue à monter régulièrement sur les podiums.
Ce soir là, chez O'jez, un bar populaire du quartier Surulere dans la capitale économique nigériane Lagos où il se produit, l'artiste porte un ensemble traditionnel jaune et bleu assorti de lunettes de soleil canari et d'un béret marine.Le tout agrémenté d'un collier de perles vertes et blanches, aux couleurs du Nigeria.
Sa carrière, qui a débuté dans les années 50, a culminé une décennie plus tard, avec la Highlife, cette musique ouest-africaine dansante et plutôt joyeuse, mélangeant influences africaines et occidentales.
Le rythme souvent répétitif est emmené par des guitares électriques omniprésentes et parfois des instruments à vent, tandis que les chants, un peu plaintifs, abordent avec humour des sujets de la vie quotidienne.
L'âge d'or de ce genre est révolu.Il a notamment fait place à l'Afrobeat et son légendaire chanteur et activiste nigérian Fela Kuti.Mais Fatai, avec d'autres, est déterminé à empêcher la disparition de la Highlife.Le public est au rendez-vous dans les quelques bars de Lagos qui organisent des soirées Highlife où flotte un air de nostalgie.
La jeune garde aussi est là.Pour Chijioke Enebechi, saxophoniste et leader du groupe de Highlife Afrika Heritage Band, Fatai Rolling Dollar "a été une sorte d'inspiration car en dépit de son âge, il joue toujours et nous rappelle sans cesse que nous ne devons pas laisser cette musique mourir".
A l'heure du tout Hip-Hop au Nigeria, la concurrence est rude.Mais il en faudrait plus pour impressionner Fatai.
"Le Hip-Hop, c'est une époque.(...) Quand elle sera passée, la Highlife restera car elle est à l'origine de la musique que nous avons au Nigeria aujourd'hui", affirme-t-il.
"Un bon musicien devrait savoir jouer de n'importe quel instrument!", lance-t-il, légèrement irrité à l'égard d'artistes Hip-Hop jugés parfois "paresseux".
Quinze enfants
Assis à l'ombre d'un arbre devant son modeste appartement de Lagos -- cette fois-ci coiffé d'une toque léopard et vêtu d'un ensemble brodé bleu ciel tandis que les lunettes de soleil sont en plastique blanc -- il ne se lasse pas de parler musique et d'évoquer sa longue vie.
L'artiste a eu 15 enfants, dont le dernier n'a pas encore deux ans.Il raconte aussi une récente aventure en marge d'un concert en Allemagne dont est née une petite fille.Il a joué un peu partout en Europe au fil de sa carrière et était à New York il y a quelques mois.
Fatai dit avoir 85 ans.Une date de naissance qui figure dans la pochette d'un album lui en donne 83. Un détail biographique qui semble importer peu au chanteur, pas plus que les années qui passent.
L'argent lui a cruellement manqué, surtout pendant un tunnel de près de trois décennies.Oublié, il a vécu dans la pauvreté, jusqu'à ce que la chance lui sourie quand, à la fin des années 1990, une poignée d'individus s'est à nouveau penchée sur son talent.
Parmi eux, Olakunle Tejuoso, le patron du label nigerian Jazzhole Records qui a sorti l'album marquant son retour, "Fatai Rolling Dollar Returns".
Fatai travaille aujourd'hui sur un nouveau disque et veut créer un centre de musique pour les jeunes artistes sans le sou.
"Ils zonent dans la rue (...) Ils sortent d'université, ils n'ont pas de travail, mais ils ont un talent musical", constate-t-il.
"Tous les jeunes artistes viendraient à mon studio jouer de la vraie musique africaine", s'enthousiasme-t-il, affirmant avoir déjà acheté un terrain.
Et d'ajouter: "si j'y parviens, mon nom ne disparaîtra pas".
Fatai aime monter sur scène mais confie que s'il en avait les moyens, il n'aurait rien contre une retraite et un peu de repos.
"Je n'ai pas d'autre travail que la musique, dans ma vie.Si j'arrête, qu'est-ce que je vais manger?C'est Dieu qui sait ce qu'il adviendra de moi quand je serai très vieux.Car je ne suis pas très vieux, je suis encore jeune", dit-il, en riant.
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