"Je suis né à Johannesburg, mais je n'étais jamais allé dans le centre !" Comme l'étudiant James van Biljon, ils sont désormais de plus en plus nombreux à oser se promener dans ce quartier de la métropole sud-africaine qu'ils croyaient être un coupe-gorge.A pied.
Autrefois vitrine de l'Afrique du Sud de l'apartheid, le centre de Johannesburg était devenu infréquentable dans les années 1990, la hausse de la criminalité s'accompagnant d'un exode des entreprises et des habitants blancs vers des banlieues plus sûres, tandis que de nombreux immeubles, squattés par de nouvelles populations noires, tombaient en ruine.
Mais de massifs investissements publics et privés --et une armée de vigiles-- ont permis de renverser la vapeur depuis une dizaine d'années.D'anciens bureaux sont transformés en lofts, des façades ravalées, des fontaines remises en eau, des sculptures installées dans les rues.
Et alors que de nombreux guides de voyages font encore l'impasse sur l'ancien Central Business District (CBD) pour éviter une agression à leurs lecteurs, les touristes y reviennent.Surtout en groupe, pour l'instant, une demi-douzaine d'organismes proposant des balades de quelques heures.
"Il y a deux ans et demi, nous avons décidé de proposer un tour à pied dans le CBD un samedi.Nous n'avons quasiment pas fait de promotion, et nous avons eu 28 personnes", raconte Jo Buitendach qui y est désormais guide à plein temps.
Son public ? "Au début, surtout des jeunes, d'ici.Des jeunes des banlieues (aisées, ndlr) qui n'avaient jamais vu leur ville.Une ville dont leurs parents leur avaient parlé mais où ils n'étaient jamais allés parce qu'on leur avait dit que c'était trop dangereux", dit-elle.
Le bouche à oreille aidant, leurs aînés ont suivi, puis des visiteurs étrangers.Et aussi des entreprises qui veulent leurs balades privées.
"Nous habitons à Johannesburg depuis vingt-deux ans.Nous avons toujours traversé le centre en voiture, mais nous n'avons jamais eu l'occasion d'y marcher", raconte Hester van Biljon, la mère de James, venue découvrir le CBD en famille un samedi matin."Et puis j'ai lu un article sur ces tours, et j'ai dit: +Faisons ça!+ Et on a décidé d'emmener les enfants!"
Gavin Turner est venu de Londres: "Quand vous venez à Johannesburg pour la première fois, on vous dit +N'y allez pas, c'est trop dangereux!+ Mais nous voulions en voir plus."
Jo Buitendach a bien conscience que ses clients, surtout venus des banlieues blanches, ont encore l'impression d'être de courageux pionniers.Les flâneurs solitaires sont encore rares en ville, de peur des mauvaises rencontres.
"Il est particulièrement dur de vendre un tour qui est un tour à pied, où les gens marchent vraiment.Ce n'est pas courant ici", les habitants qui peuvent se le permettre se déplaçant toujours en voiture pour cause d'insécurité et de transports publics défaillants, sourit-elle.
"Marcher, c'est le seul moyen de connaître la ville, ce que vous ne pouvez pas faire en voiture", ajoute son confrère Gerald Garner, faisant allusion aux tour-opérateurs classiques qui se contentent au mieux de passer entre les gratte-ciel du CBD sur le chemin du Musée de l'apartheid.
Le centre de Johannesburg que ses clients (re)découvrent est fait de rues piétonnes, de terrasses de cafés, de somptueux immeubles rénovés, de façades art déco...Et tant pis s'il a encore des trous dans les trottoirs ou s'il faut croiser quelques SDF.
C'est aussi une ville africaine pleine de vie, très commerçante, dont les rues sont encombrées d'étals où sont présentés fruits, légumes, chaussures, appareils ménagers, grigris...
"C'est une aventure incroyable pour les gens d'ici (des banlieues blanches, ndlr).C'est aussi excitant que d'aller à l'étranger, car c'est un monde totalement différent à votre porte!", note M. Garner, à propos de ces touristes dans leur propre ville.
Et l'insécurité ? Elle ne fait plus trop peur, selon lui: "Avant de commencer, je demande toujours si les gens ont des questions.Au début, tout le monde m'interrogeait sur la sécurité.Maintenant, de moins en moins."
Les guides disent ne jamais avoir rencontré de problèmes particuliers.Mais ils n'emmènent pas leurs groupes dans les coins que la rénovation du centre n'a pas encore atteints.
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